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Le fibrosarcome félin : Histologie et comportement tumoral

Dr Didier Lanore Exercice exclusif de la cancérologie, ex-chargé de consultation de cancérologie de l’ENVT

Le fibrosarcome lié aux injections (FISS) ou aux traumatismes est une des tumeurs les plus fréquentes dans l’espèce féline. Chaque praticien connait bien l’aspect clinique très évocateur de cette tumeur dont la tendance marquée à la récidive est la principale conséquence à gérer pour le vétérinaire.

Deux idées nouvelles doivent cependant être connues pour cette entité :

– la lésion cliniquement évocatrice ne correspond pas toujours histologiquement à du fibrosarcome sensu stricto

– la récidive n’est plus aujourd’hui le seul problème à prendre en considération sur le plan thérapeutique

Ce n’est pas toujours du fibrosarcome !

Il convient de distinguer les FISS des sarcomes spontanés (Hendrick, 1992). Ces derniers s’observent surtout sur des individus plus âgés (10-11 ans au lieu de 6-7 ans) et dans des localisations ne correspondant pas aux sites d’injections, comme la tête et les membres.

Il  est important également de différencier le fibrosarcome sensu stricto des autres tumeurs et des lésions annexes. Ainsi, dans une thèse publiée en 2005, le Dr Semin analyse les résultats des examensàmais une autre tumeur dans 26% des cas (soit 79 autres tumeurs) ou une lésion annexe (panniculite ou fibromatose) dans 14% des cas. Parmi les autres types tumoraux rencontrés, les neurofibrosarcomes étaient les plus fréquents (59%), suivis des lymphomes sous-cutanés (12%). De nombreuses autres tumeurs étaient également diagnostiquées (liposarcome, ostéosarcome, sarcome histiocytaire, léïomyosarcome…). Le pronostic et la gestion de ces différentes affections peuvent sensiblement varier. Ainsi, la prise en charge d’un lymphome sous-cutané étant très différente de celle d’un fibrosarcome (bilan d’extension d’hémopathie, peu d’indication de la chirurgie, chimiothérapie impérative), la cytoponction préopératoire prend alors toute sa valeur (Meichner, 2014).

Les lésions annexes (panniculite surtout granulomateuse et fibromatose) sont également très fréquentes dans cette étude : présentes seules (sans sarcome) dans 14% des cas, elles sont aussi associées à la tumeur localement dans 92% des cas et à distance du foyer tumoral dans 40% des cas.

La panniculite est une lésion inflammatoire donc non tumorale. Elle ne peut ainsi ni récidiver après exérèse chirurgicale ni métastaser. Cependant son statut de lésion précancéreuse impose une gestion efficace de cette dernière si l’intervention chirurgicale n’a pas permis  son exérèse en totalité. Pour la traiter, ni la chimiothérapie, ni la radiothérapie ne sont efficaces, seule la corticothérapie est indiquée. La prednisolone à 1 mg/kg/jour puis en CJA est l’option de choix.

La fibromatose est une lésion bénigne à croissance expansive et à fraction proliférative faible. Elle peut récidiver après exérèse mais uniquement à partir de foyers tumoraux initiaux situés à distance de la tumeur initiale. Elle ne peut pas métastaser. Elle n’;est ni radiosensible ni chimiosensible. La seule manière de la gérer efficacement est la chirurgie.

L’agressivité du fibrosarcome à traiter doit être évaluée par une lecture attentive du résultat d’analyse histologique à la recherche d’éléments comme un index mitotique élevé ou la présence d’embole vasculaire. L’état des marges doit être systématiquement  examiné, l’infiltration multipliant par 10 le risque de récidive.

Pour obtenir tous ces renseignements, il est donc impératif de faire analyser la totalité de la pièce d’exérèse. Les marges de celle-ci doivent être clairement identifiées par un nœud de suture ou une agrafe. Il est aussi possible de les marquer à l’encre de tatouage. Le laboratoire d’histologie devra effectuer de nombreuses sections de coupe (a minima 6).

 La récidive n’est pas le seul problème !

Lors de fibrosarcome, la récidive est fréquente après exérèse chirurgicale jusqu’à 90% des cas pour les études les plus pessimistes. Cependant, les métastases représentent également une complication à connaître. Elles sont ainsi décrites dans 10 à 25% des cas de fibrosarcome (Cohen 2001, Phelps 2011, Davidson 1997, Hershey 2000, Gross 2005, Romanelli 2008, Cronin 1988, Kobayashi 2002). Elles s’observent surtout dans deux situations cliniques :

Présence de lésions évoquant des métastases pulmonaires à la radiographie thoracique. Bilan d’extension réalisé avant prise en charge de la lésion de FSA cutané

Présence de lésions évoquant des métastases pulmonaires à la radiographie thoracique. Bilan d’extension réalisé avant prise en charge de la lésion de FSA cutané

  • Survie longue lors de gestion appropriée de la tumeur primaire (exérèse très large et radiothérapie adjuvante), le délai d’apparition médian est alors de 9 à 10 mois.
  • Récidives multiples. Une étude a démontré que pour les cas présentant plus de 3 récidives, le pourcentage de chats ayant des métastases pulmonaires au scanner est de 36% (De Fornel, 2012).

Le scanner au moment du diagnostic initial est alors essentiel car la survie des cas avec métastases est sensiblement plus courte (survie médiane de 165 à 338 versus 928 à 1528 jours, Romanelli, 2008, Phelps, 2011).

La chimiothérapie adjuvante pourrait donc avoir une indication dans la prise en charge de ce risque métastatique.