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Les carcinomes épidermoïdes buccaux du chien peuvent être guéris par chirurgie seule. A condition de respecter certaines conditions !

Dr Didier Lanore Exercice exclusif de la cancérologie, ex-chargé de consultation de cancérologie de l’ENVT

Dr Didier Lanore
Exercice exclusif de la cancérologie, ex-chargé de consultation de cancérologie de l’ENVT

ANALYSE D’ARTICLE

Référence

Fulton, A. J., Nemec, A., Murphy, B. G., Kass, P. H., & Verstraete, F. J. M. (2013). Risk factors associated with survival in dogs with nontonsillar oral squamous cell carcinoma 31 cases (1990-2010). Journal of the American Veterinary Medical Association, 243, 696–702.

Introduction :

Le carcinome épidermoïde est, chez le chien, la seconde tumeur buccale en fréquence après le mélanome. Il s’agit d’une tumeur maligne qui exprime son agressivité essentiellement localement (ostéolyse sous-jacente dans 70% des cas). Il métastase, en effet, rarement au niveau ganglionnaire (moins de 10% des cas) et pulmonaire (de 3 à 36% des cas après exérèse chirurgicale). Le but de cette étude était d’évaluer d’éventuels facteurs pronostiques lors de traitement chirurgical agressif (à visée curative) de carcinomes épidermoïdes buccaux non-amygdaliens.

Texte :

21 cas ont été évalués et comparés à 10 autres chiens non traités. Les 21 chiens ont fait l’objet d’une chirurgie oncologique à visée curative sans aucun traitement adjuvant, ni chirurgie ni radiothérapie. L’intervention pratiquée était une mandibulectomie, une maxillectomie ou une glossectomie. Le chirurgien devait respecter une marge de 1 cm de tissu sain autour de la tumeur. Les marges étaient considérées comme étroites à l’histologie lorsque les cellules tumorales étaient présentes à moins de 2 mm du site de section chirurgicale. Les facteurs pronostiques évalués étaient, entre autres, l’âge, le stade clinique et des critères histologiques (emboles vasculaires, inflammation associée à la tumeur, type histologique,  niveau de différentiation, infiltration neurologique …). Les résultats ont été présentés, de manière assez étonnante, pour les 31 chiens de l’étude (21 opérés et 10 sans traitement) en un seul groupe.

L’âge moyen des animaux était de 9 ans, avec 6% des cas intéressant des chiens de moins de 2 ans. La localisation tumorale était, dans 84% des cas, mandibulaire ou maxillaire.  Seuls 5 cas (dont 4 sur la langue) correspondaient à un autre site. La localisation la plus fréquente était une atteinte rostrale de la mandibule. 88% des tumeurs analysées étaient de grade I ou II (bien ou moyennement différenciées). 29% des animaux de l’étude présentaient une métastase ganglionnaire ou pulmonaire (13%) au moment du diagnostic initial. Cependant, uniquement 17 chiens ont fait l’objet d’une cytoponction ganglionnaire, ce qui donne un taux de métastase ganglionnaire pour les animaux évalués cytologiquement de 41%. Les dossiers des chiens n’ayant pas fait l’objet d’un adénogramme rapportaient des nœuds lymphatiques de petite taille, symétriques et non indurés. Le fait de ne pas avoir ponctionné ces ganglions est un biais important de cette étude rétrospective car on connait bien l’existence de métastase ganglionnaire confirmée sur des ganglions d’aspect clinique normal et non hypertrophiés. 42% des chiens avaient une tumeur de stade clinique 3 et 13% de stade 4.

Les résultats évalués par l’examen des marges chirurgicales pour les 21 chiens opérés sont les suivants : 2 chiens n’ont pas pu faire l’objet d’une exérèse macroscopique complète (avec des survies observées de 7 et 14 mois quand même), 15 chiens avaient des marges saines et 4 des marges étroites.

Les 10 chiens non opérés sont tous morts ou ont été euthanasiés à cause de leur carcinome épidermoïde. La survie médiane (SM) de ce lot non traité était de 54 jours avec un taux de survie à un an de 0%. Pour les 21 animaux opérés, 18 sont morts d’une autre cause, un de son carcinome épidermoïde et 2 étaient toujours en vie à la fin de l’étude. Le taux de survie de cette population à un an était de 93,5% (de 100% pour les chiens de moins de 2 ans et de 75% pour les animaux de 2 à 10 ans). La SM des chiens de stade clinique 4 n’était que de 50 jours, la proportion d’individus, opérés ou non, n’est cependant pas précisée pour ce groupe et le stade clinique a probablement influencé la prise charge thérapeutique de ces animaux. La survie des stades 1 (tumeur de moins de 2 cm, non métastasée) était, par contre, excellente, 100% de survie à plus de 1500 jours sans traitement adjuvant. Le corollaire de ce résultat est l’importance de la détection précoce par des examens réguliers de la cavité buccale et la nécessité de réaliser une intervention agressive avec mandibulectomie ou maxillectomie en première intention sur ces patients. La survie médiane des stades 2 et 3 était respectivement de 420 et 365 jours. Les facteurs pronostiques favorables étaient l’âge inférieur à 2 ans, le stade clinique 1, la bonne différentiation tumorale et l’absence de critères histologiques tels que l’inflammation associée ou les emboles. Les tumeurs de la langue, pour cette étude, ne semblent pas avoir un pronostic plus péjoratif mais la plupart d’entre elles étaient bien différenciées. La présence de marges étroites ne semble pas avoir impacté le pronostic de manière négative.

Photographie n°1  Légende : Aspect et localisation cliniques classiques de carcinome épidermoïde chez un chien (lésion papillomateuse, ulcérée, mandibulaire rostrale).  Crédit : Dr Didier LANORE

Photographie n°1
Légende : Aspect et localisation cliniques classiques de carcinome épidermoïde chez un chien (lésion papillomateuse, ulcérée, mandibulaire rostrale).
Crédit : Dr Didier LANORE

Photographie n°2 : Crédit : Examen tomodensitométrique réalisé sur le même chien (vue 2D et 3D), la tumeur de stade clinique 3 (par la taille supérieure à 4 cm) a entraîné une lyse osseuse majeure des deux branches de la mandibule. Crédit : Dr Anaïs Combes

Photographie n°2 :
Crédit : Examen tomodensitométrique réalisé sur le même chien (vue 2D et 3D), la tumeur de stade clinique 3 (par la taille supérieure à 4 cm) a entraîné une lyse osseuse majeure des deux branches de la mandibule.
Crédit : Dr Anaïs Combes

A retenir:

  • La survie des chiens, présentant un carcinome épidermoïde et ne faisant pas l’objet d’une intervention chirurgicale, est très mauvaise : SM de 54 jours, 100% de décès liés à la tumeur et aucun survivant un an après le diagnostic.
  • La chirurgie à visée curative (1 cm de marges) permet d’excellents résultats en terme de survie, 90% des cas ont une marge saine ou étroite et le taux de survie obtenu  uniquement par chirurgie est de 75% pour les animaux de plus de 2 ans
  • Les tumeurs de stade 1 faisant l’objet d’un traitement chirurgical ont un excellent pronostique proche d’une guérison définitive avec un taux de survie de 100% à plus de 1500 jours sans aucun traitement adjuvant. Ainsi une tumeur de petite taille doit impérativement être opérée en première intention avec une ostectomie.
  • La présence d’une métastase à distance (stade clinique 4) est un facteur pronostique très péjoratif avec une SM de 54 jours seulement, contre-indiquant probablement l’intervention chirurgicale sur ces animaux