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“Mon chat tousse beaucoup”

Dr vétérinaire Madeline FORISSIER, assistante d’imagerie médicale

Dr vétérinaire Anaïs COMBES, DipECVDI, PhD, EBVS European Specialist in Veterinary Diagnostic Imaging

 

Une chatte européenne stérilisée de 10 ans est présentée en consultation pour toux évoluant depuis plusieurs années. La chatte présente une courbe respiratoire anormale avec une dyspnée expiratoire (la fréquence respiratoire est évaluée à 40 mouvements par minute).

Des radiographies thoraciques (photo 1 a et b) sont réalisées.

Photo 1a : projection latérale droite du thorax

Photo 1b : projection ventro-dorsale du thorax

Quelles anomalies radiographiques observez-vous ?  

Quelles sont les hypothèses diagnostiques ?  

Quelle prise en charge proposeriez-vous ?  

 


Quelles anomalies radiographiques observez-vous ? 

On note une hyperinsufflation pulmonaire, se manifestant par :

  • un volume pulmonaire augmenté : le bord caudal des poumons dépassant la 13ème vertèbre thoracique sur la projection latérale et le diaphragme dépassant la 11ème vertèbre thoracique sur la projection ventro-dorsale
  • un aplatissement du diaphragme sur la projection latérale et un aspect festonné du diaphragme sur la projection ventro-dorsale
  • un espace intercostal élargi avec des côtes perpendiculaires au rachis sur la projection ventro-dorsale
  • un poumon plus radiotransparent (hyperclarté)

Le parenchyme pulmonaire visible présente une opacification bronchique modérée avec des images en anneaux (flèches rouges) et en rails (flèches vertes).

Enfin, on observe une zone d’opacification tissulaire triangulaire, effaçant le contour de la silhouette cardiaque, dans l’aire de projection du lobe pulmonaire moyen droit, évoquant une atélectasie de ce lobe (flèche bleue).

Photo 2a : Rails et anneaux signant une opacification, bronchique diffuse avec hyperinsufflation pulmonaire

Photo 2b : atélectasie du lobe moyen droit et hyperinsufflation pulmonaire

Quelles sont les hypothèses diagnostiques ?  

L’opacification bronchique observée sur ces radiographies est compatible avec une bronchite chronique (inflammatoire, dysimmunitaire ou infectieuse) ou une infestation par Aelurostrongylus abstrusus (1). Mais l’hyperinsufflation pulmonaire et l’atélectasie d’un lobe pulmonaire (le plus fréquemment du lobe médial droit ou de la portion caudale du lobe cranial gauche) sont plutôt en faveur d’une crise d’asthme félin (2).

L’asthme félin est une maladie respiratoire chronique caractérisée par une inflammation éosinophilique des voies respiratoires, une hyperréactivité des voies aériennes se manifestant par une bronchoconstriction, une accumulation de mucus dans les voies aériennes et un oedème de la paroi des bronches. Cette affection se manifeste donc fréquemment par une hyperinsufflation (due à la bronchoconstriction et à l’hypersécrétion de mucus qui limitent l’expiration pulmonaire) et par une atélectasie du lobe médial droit, reliée à une obstruction chronique de la bronche par l’hypersécrétion de mucus (3).

Quelle prise en charge proposeriez-vous ?  

L’asthme est une maladie commune (1 à 5 % de la population féline) dont la cause serait allergique. L’examen de choix est actuellement l’endoscopie des voies respiratoires couplée à un lavage broncho-alvéolaire. Ceci permet notamment de distinguer l’asthme félin de la bronchite chronique, plutôt secondaire à l’inhalation de substances irritantes ou à une infection respiratoire. Mais même avec cet examen, la distinction entre bronchite chronique et asthme félin est difficile à évaluer. Elle repose sur le pourcentage de polynucléaires éosinophiles retrouvés dans le liquide de lavage broncho-alvéolaire. Le seuil limite minimum pour établir le diagnostic d’asthme félin est variable, de 17% à 20% selon les études (1,4). Cependant, compte-tenu du risque du lavage broncho-alvéolaire chez un chat en détresse respiratoire, des recherches sont en cours pour évaluer le recours à des biomarqueurs dans le sang, l’urine et l’air exhalé des chats (2).

Le traitement nécessite avant tout des changements environnementaux, comme le fait de minimiser l’exposition à des substances irritantes (fumée, aérosols, poussière, etc…) et l’utilisation de purificateurs d’air pour les chats d’intérieur. Le deuxième pilier du traitement actuel contre l’asthme félin repose sur les corticoïdes, par voie orale initialement puis inhalés au long cours et l’utilisation de bronchodilatateurs en cas de crise asthmatiforme. Ces traitements ont un bon pronostic pour les chats asthmatiques (2). Néanmoins, l’utilisation de corticoïdes au long terme peut être mal tolérée ou contre-indiquée chez certains individus (chats atteints de diabète, d’insuffisance rénale chronique, d’insuffisance cardiaque). Des nouvelles options thérapeutiques comme la lidocaïne inhalée ou l’utilisation de cellules souches sont donc actuellement à l’étude (1).

  1. TRZIL J.E. (2020) Feline Asthma: Diagnostic and Treatment Update. Vet Clin North Am Small Anim Pract 50(2), 375 391
  2. REINERO C.R. (2011) Advances in the understanding of pathogenesis, and diagnostics and therapeutics for feline allergic asthma. Vet J 190(1), 28 33
  3. GARRITY S., LEE-FOWLER T., REINERO C. (2019) Feline asthma and heartworm disease: Clinical features, diagnostics and therapeutics. J Feline Med Surg 21(9), 825 834
  4. GROTHEER M., HIRSCHBERGER J., HARTMANN K., CASTELLETTI N., SCHULZ B. (2020) Comparison of signalment, clinical, laboratory and radiographic parameters in cats with feline asthma and chronic bronchitis. J Feline Med Surg 22(7), 649 655