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Revue de presse scientifique : Mise en évidence et signification d’une adénomégalie sternale chez le chien et le chat : quelques idées nouvelles

Dr Didier Lanore Exercice exclusif de la cancérologie, ex-chargé de consultation de cancérologie de l’ENVT

Dr Didier Lanore
Exercice exclusif de la cancérologie, ex-chargé de consultation de cancérologie de l’ENVT

Article: Smith K, O’Brien R. Radiographic characterization of enlarged sternal lymph nodes in 71 dogs and 13 cats. J Am Anim Hosp Assoc 2012; 48: 176-181.

Introduction : Lors du bilan d’extension de nombreuses tumeurs, le praticien est amené à réaliser des clichés thoraciques (en général au moins deux profils, droit et au gauche et parfois une incidence de face). Le but principal de cet examen complémentaire est le plus souvent la recherche de métastases pulmonaires, cependant il permet également de visualiser les nœuds lymphatiques (NL) intra-thoraciques dont le NL sternal cranial. Les NL de ce lymphocentre font partie des NL pariétaux de la cavité thoracique. Ce lymphocentre comprend en général deux NL sternaux (droit et gauche) situés de part et d’autre du sternum au niveau de la seconde sternèbre. Ces NL drainent une partie de la paroi costale et des organes périphériques (comme la peau et les mamelles thoraciques par exemple) ainsi que de la cavité péritonéale. Enfin, ils ne sont pas visibles sur les clichés thoraciques en l’absence d’hypertrophie. Cette étude rétrospective a recherché sur des clichés numériques archivés les cas présentant une adénomégalie sternale chez 71 chiens et 13 chats. Les critères suivants ont été caractérisés : taille, localisation, visualisation sur les différentes incidences et étiologie connue. Malheureusement la relation possible entre la taille et la cause de l’adénomégalie n’a pas été étudiée.

Texte :

Les éléments mis en évidence par cette étude sont les suivants :

  1. Il n’a pas été démontré de différence significative entre les différentes incidences radiographiques quant à l’évaluation de la taille et de la localisation du NL, quelle que soit l’espèce considérée. Une meilleure visualisation du NL serait possible sur le profil droit comparativement au gauche mais sans preuve statistique.
  2. Le NL présente une position plus caudale dans l’espèce féline comparativement à l’espèce canine : au dessus du début de la 3ème sternèbre chez le chat et au dessus du milieu de la seconde sternèbre chez le chien (la position du NL étant jugé par son point le plus épais sur la radiographie de profil). Les valeurs extrêmes de localisation sont la première et la troisième sternèbre. Une lésion radiographique située au dessus de la 4ème sternèbre ou plus caudalement ne peut donc pas correspondre à une atteinte du NL sternal cranial.
  3. Les NL sternaux peuvent être très volumineux (probablement essentiellement en rapport avec le développement d’un lymphome bien que cette relation ne soit pas décrite), jusqu’à 8,4 cm de long et 6 cm d’épaisseur chez le chien et 3,1 de long et 1,9 cm chez le chat.
  4. Les tumeurs sont la première cause d’adénomégalie sternale dans les deux espèces, avec 79% et 69% des cas respectivement chez le chien et le chat.
  5. Parmi celles-ci, le lymphome est la première tumeur en cause dans les deux espèces (avec 34 et 38% des cas respectivement chez le chien et le chat). Ces résultats confirment ceux d’une étude  antérieure sur les formes multicentriques de lymphome chez le chien pour laquelle, une adénomégalie sternale est  présente dans 60% des cas et représente l’anomalie la plus fréquente sur les clichés thoraciques. Il est important de rappeler que cette hypertrophie ganglionnaire pourrait représenter un facteur pronostique péjoratif dans cette espèce et que sa recherche est justifiée.
  6. De manière surprenante, la seconde cause tumorale est l’hémangiosarcome splénique (avec 17% des cas). Il faut noter que l’hypertrophie du NL ne correspond pas forcément à une métastase ganglionnaire (en tout cas, cela n’a pas été exploré dans cette étude). En effet, le NL sternal étant responsable du drainage des épanchements abdominaux et tous les cas décrits dans l’étude présentant un hémopéritoine, il est possible que l’augmentation de volume du ganglion soit secondaire à ce phénomène de drainage. Une étude avec cytoponction du NL dans ces cas serait très intéressante à réaliser. D’autres causes d’hémopéritoine ont d’ailleurs été décrites dans cette étude (Intoxication aux AVK, CIVD…) et étaient également responsables d’une adénomégalie sternale.
  7. Si l’on groupe toutes les tumeurs du tube digestif et annexes (carcinomes gastriques, intestinaux, hépatiques et pancréatiques), ce groupe est alors la troisième cause tumorale. Il est alors justifié de vérifier le statut du NL sternal sur les clichés thoraciques réalisés lors du bilan d’extension des tumeurs digestives au sens large.
  8. Les mastocytomes cutanés sont bien une cause de métastase au NL sternal avec trois cas décrits dans cette étude et justifient également la réalisation d’une radiographie thoracique dans le bilan d’extension des tumeurs situées dans la zone de drainage au niveau de la paroi thoracique.
  9. Chez le chat, la seconde cause est non tumorale et correspond à la PIF.

A retenir :

Les tumeurs malignes sont la première cause d’adénomégalie sternale chez le chien et le chat, le lymphome étant la tumeur la plus fréquente également dans les deux espèces.

Les hémopéritoines, en particulier ceux liés à un hémangiosarcome splénique, représentent la seconde cause. Il reste à démontrer si cette hypertrophie est liée à un phénomène métastatique ou non.

Le bilan d’extension des tumeurs digestives chez le chien doit comprendre une évaluation minutieuse du NL sternal cranial sur les clichés thoraciques réalisés pour la recherche des métastases pulmonaires.

Photo n°1 : Métastase ganglionnaire au NL sternal d’un mastocytome cutané situé dans le territoire de drainage costal, le NL (cercle) est situé au dessus de la 2ème et 3ème sternèbre avec son point le plus épais au dessus de la partie caudale de la deuxième sternèbre (flèche). (Crédit Dr Didier Lanore)

Photo n°1 : Métastase ganglionnaire au NL sternal d’un mastocytome cutané situé dans le territoire de drainage costal, le NL (cercle) est situé au dessus de la 2ème et 3ème sternèbre avec son point le plus épais au dessus de la partie caudale de la deuxième sternèbre (flèche). (Crédit Dr Didier Lanore)

Photo n°2 : Adénomégalie sternale correspond à une métastase ganglionnaire de carcinome mammaire (mamelles thoraciques) chez une chatte présentant également une métastase axillaire. (Crédit Dr Didier Lanore)

Photo n°2 : Adénomégalie sternale correspond à une métastase ganglionnaire de carcinome mammaire (mamelles thoraciques) chez une chatte présentant également une métastase axillaire. (Crédit Dr Didier Lanore)