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Détection d’une protéinurie chez les chats à maladie rénale chronique.

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Mathieu Faucher – Ancien interne en médecine de l’ENVT, DU des thérapies d’épuration extra-rénales

 

Référence

Comparison of urine dipstick, sulfosalicylic acid, urine protein-to-creatinine ratio and a feline-specific immunoassay for detection of albuminuria in cats with chronic kidney disease. Hanzlicek AS, Roof CJ, Sanderson MW et coll. J Feline Med Surg 2012;14:882-888.

Objectifs

Déterminer les performances de différents tests de routine dans la détection d’une albuminurie comme détectée par un test ELISA spécifique d’espèce (Test ERD) chez le chat à maladie rénale chronique (MRC).

Méthode

37 chats présentant une MRC sont inclus de manière prospective. Toute autre maladie générale non contrôlée ou un examen bactériologique urinaire positif sont des critères d’exclusion. Les urines sont prélevées par cystocentèse. Lors d’hématurie microscopique, de leucocyturie ou de bactériurie, les urines ne sont pas analysées.

Une protéinurie est recherchée dans chaque échantillon par une bandelette urinaire, la réaction à l’ASS et la mesure du RPCU. Le test ERD est utilisé comme test de référence.

Résultats

239 échantillons provenant des 37 chats sont analysés.

La sensibilité (Se) et la spécificité (Sp) de la bandelette urinaire (résultat positif si ≥ « traces ») pour détecter une protéinurie sont respectivement de 81.2 et 62.9%. La valeur prédictive positive (VPP) et négative (VPN) sont respectivement de 70.9 et 79.0%.

La Se et la Sp de l’ASS (résultat positif si ≥ « traces ») sont respectivement de 62.9 et 95.9%. La VPP et la VPN sont respectivement de 93.6 et 73.1%.

Un test positif à la bandelette et à l’ASS a une VPP de 93.2% et une VPN de 71.3%.

Lorsque la positivité à la bandelette urinaire est définie par un résultat ≥2+, la Se diminue et la Sp augmente. La VPP est alors de 94.3% et la VPN de 64.0%.

Une valeur de RPCU ≥ 0.2 a une Sp de 84.6% et une Sp de 81.8%. Ces valeurs sont respectivement de 45.3 et 100.0% pour une valeur ≥ 0.4.

Exergue

Les tests utilisés en routine dans la détection d’une protéinurie sont plus performants chez les chats à maladie rénale chronique que chez les chats sains.

 

Discussion

 

La maladie rénale chronique (MRC) est une affection fréquemment rencontrée chez le chat. Une protéinurie peut y être associée et constitue un facteur de mauvais pronostic [5]. Il paraît donc important de connaître les performances des différents tests utilisés en pratique quotidienne.

Cette étude s’intéresse à la bandelette urinaire, à la réaction à l’acide sulfosalicylique (ASS) et au rapport protéines/créatinine urinaires (RPCU) chez le chat à MRC en utilisant comme test de référence un test ELISA semi-quantitatif spécifique d’espèce (Test ERD). Ce test permet de détecter une albuminurie à partir de 1 mg/dL [1].

Les tests de routine : bandelette urinaire et réaction à l’ASS

La bandelette urinaire est le test le plus couramment effectué en pratique quotidienne. Il permet de détecter une protéinurie à partir de 30 mg/dL. Son défaut principal est son manque de spécificité qui est à l’origine d’un nombre important de faux positifs [1,3]. Chez le chat sain, les résultats d’une bandelette urinaire ont été comparés à ceux du test ERD [3]. La sensibilité (Se) et la spécificité (Sp) de la bandelette lorsqu’un résultat positif est défini comme supérieur ou égal à « traces » sont respectivement de 90.1 et 11.0%, conférant à ce test des valeurs prédictives positive (VPP) et négative (VPN) respectivement de 55.6 et 47.2%. Lorsqu’un résultat positif est défini comme supérieur ou égal à « 2+ », la Se diminue et la Sp augmente mais la VPP et la VPN restent faibles (respectivement de 63.5 et 47.3%) [3].

La réaction à l’ASS consiste à mélanger un volume égal d’urines centrifugées et d’ASS à 3 à 5% dans un tube transparent. Le mélange obtenu est d’autant plus turbide que la protéinurie et importante. Ce test permet de détecter une protéinurie à partir de 5 mg/dL [1]. Les performances de ce test ont été étudiées chez le chat sain, en prenant comme référence le test ERD [3]. La Se et la Sp sont faibles (respectivement de 58.0 et 25.4%) lorsque la positivité est définie comme un résultat supérieur ou égal à « traces ». La VPP et la VPN sont également faibles (respectivement 46.9 et 34.7%) et ne sont pas améliorées lorsque la positivité est définie comme un résultat supérieur ou égal à 2+ [3]. L’interprétation de ce test en parallèle ou en série avec la bandelette urinaire n’améliore pas les performances de ces tests chez le chat sain [3].

La bandelette et la réaction à l’ASS sont donc peu recommandées dans la détection d’une protéinurie dans le cadre du dépistage.

Le rapport protéines / créatinines urinaires

Le RPCU obtenu sur des urines recueillies ponctuellement est corrélé à la protéinurie mesurée sur des urines de 24h. La valeur normale du RPCU chez le chat est inférieure à 0.2. Il est considéré anormal pour une valeur supérieure à 0.4 et borderline entre 0.2 et 0.4 [2]. Une étude rapporte une bonne corrélation entre le test ERD et le RPCU chez des chats sains et malades [4]. Cependant, certains chats présentaient un ERD positif mais un RPCU inférieur à 0.2. De manière plus surprenante, certains présentaient un ERD négatif mais un RPCU augmenté [4].

Chez le chat sain, un RPCU supérieur ou égal à 0.4 est très spécifique d’une albuminurie [3]. Cependant, son manque de Se en fait un mauvais test s’il est utilisé dans le cadre du dépistage [1,3].

Les données chez le chat insuffisant rénal chronique

Les performances de la bandelette urinaire sont insuffisantes lorsque la positivité est définie comme un résultat supérieur ou égal à « traces ». Cependant, un résultat positif à la fois pour la bandelette et l’ASS, pour l’ASS seul ou pour la bandelette lorsque la positivité est définie comme un résultat supérieur ou égal à « 2+ » est associé à une forte probabilité de protéinurie (VPP élevée).

Les VPN de la bandelette urinaire et de l’ASS ne sont pas suffisamment élevées pour pouvoir exclure définitivement une albuminurie sur la base d’un résultat négatif.

Une valeur du RPCU supérieure ou égale à 0.4 est très spécifique d’une albuminurie. Comme chez le chat sain, la VPP est très élevée mais la VPN est faible.

Limitations

La première limitation de cette étude réside dans la nature semi-quantitative du test ERD. Son interprétation est par nature subjective. Dans une étude, la variabilité inter-opérateur a été évaluée : sur 26 échantillons analysés, 21 avaient le même résultat après lecture par deux investigateurs différents. Pour deux échantillons, le résultat variait de « négatif » à « faiblement positif » [4]. La variabilité intra-opérateur a également été évaluée : sur 5 lectures consécutives, les résultats ne sont pas tous identiques dans 23 à 27% des cas [4].

La protéinurie est un facteur pronostique important chez le chat présentant une MRC. Par rapport aux chats présentant un RPCU inférieur à 0.2, ceux dont le RPCU est compris entre 0.2 et 0.4 et ceux dont le RPCU est supérieur à 0.4 ont respectivement 2.9 et 4 fois plus de risque de décès [5]. La signification pronostique d’une microalbuminurie n’a cependant pas été étudiée à ce jour. Les conséquences de la détection d’une microalbuminurie sur la gestion d’un chat insuffisant rénal chronique restent à établir.

Conclusion

Les performances de la bandelette urinaire et de la réaction à l’ASS sont meilleures chez le chat à MRC que chez le chat sain. Lors de résultat positif à l’ASS, à l’ASS et à la bandelette ou lorsque le résultat à la bandelette est supérieur ou égal à « 2+ », une protéinurie est certainement présente. En cas de résultat négatif à la bandelette, la présence d’une protéinurie est peu probable mais pas exclue.

La signification pronostique de la protéinurie détectée par le test ERD n’est pas connue à l’heure actuelle et mérite d’être précisée dans de futures études.

Références bibliograhiques

1-Grauer GF.

Proteinuria: measurement and interpretation.

Top Companion Anim Med 2011;26:121-127.

2-Lees GE, Brown SA, Elliott J et coll.