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Comparaison des différentes techniques de castration chez le lapin

Dr Duhammelle

Dr Duhammelle

Indication :

La castration est une procédure courante chez le lapin. Elle est proposée pour contrôler la reproduction, traiter des affections testiculaires (tumeurs, infections, cryptorchidisme) ou dépendantes des hormones sexuelles (hamartome) ou pour des raisons comportementales (comportement de marquage, territorialité, hypersexualité et agressivité).1–4

Particularités anatomiques et physiologiques :
Les testicules de lapin ont une anatomie légèrement différente de celle du chat et du chien. Ils sont plus allongés et sont dans des hémiscrotums séparés. Leur particularité vient du fait qu’ils peuvent se déplacer librement du scrotum à l’abdomen à travers un canal inguinal ouvert. Les hernies et strangulations digestives sont prévenues par la présence d’une grande quantité de gras associée à l’épididyme qui se situe dans le canal inguinal quand le testicule est dans le scrotum.2 Le pénis est situé caudalement au scrotum ce qui a des implications pratiques dans la voie pré-scrotale.2 Les testicules descendent dans le scrotum vers 4-5 mois d’âge.5 La maturité sexuelle du lapin mâle est en moyenne de 6 mois. Les races naines ont tendance à avoir une maturité plus précoce que les races géantes.1

Les différentes techniques de castration :
Trois techniques de castration sont décrites en pratique et dans la littérature. Le choix de la technique est très dépendant de l’expérience et des habitudes du chirurgien. Il n’y a, à notre connaissance, aucune étude contrôlée publiée comparant les complications des différentes techniques de castration chez le lapin.

Voie scrotale :
La voie scrotale consiste à faire deux incisions sur le scrotum en regard de chaque testicule. Cette technique est similaire à celle réalisée chez les chiens et chats.3

Pré-scrotale :
La voie pré-scrotale consiste à faire une incision centrale crânialement au pénis et au scrotum. Et de retirer les deux testicules par la même incision. C’est la position caudale du pénis par rapport au scrotum qui permet la réalisation de cette technique.3 Cette voie a l’avantage de permettre une préparation du site chirurgicale plus facile. La tonte, l’asepsie et la mise en place du champ opératoire sont plus aisées. Si jugé nécessaire, la fermeture de l’anneau inguinal est plus facile par cette voie que par voie scrotale.3 Cet abord permet aussi de ne pas tondre et inciser le scrotum dont la peau est plus fine et fragile. Enfin la plaie de chirurgie de l’abord pré-scrotal n’est pas en contact avec le sol contrairement à l’abord scrotal ce qui peut jouer dans la prévention des complications post-opératoires.1
Une étude en cours de publication, comparant les techniques scrotales et pré-scrotales chez le lapin, a montré une diminution significative de la durée d’anesthésie et de l’œdème scrotal par la voie pré-scrotale.6

Voie abdominale :
La voie abdominale consiste à effectuer une laparotomie en région caudale par la ligne blanche et de retirer les testicules par cette voie.3 Cette voie est fréquemment décrite chez les rongeurs.3 Cependant, on trouve peu de description de cette technique chez le lapin dans la littérature. Elle est utilisée en pratique courante par certains praticiens en Europe. Les avantages de cette approche sont une préparation du site chirurgicale plus facile (tonte, asepsie, mise en place du champ opératoire) et le fait de ne pas toucher à la peau du scrotum.3 Les inconvénients sont ceux d’une laparotomie, c’est une chirurgie plus invasive qui comporte des risques de péritonite et de formation d’adhérences.7
Une étude contrôlée comparant les techniques scrotales et abdominale a été réalisée chez le cochon d’Inde et a montré une diminution significative du temps chirurgical et des infections post-opératoires par la voie abdominale.7

Risques de hernie et prévention :
La survenue de hernie ou de strangulation digestive est rare chez le lapin mais a été rapportée après la castration.2 Les hernies étant prévenues par la présence de gras, il est fortement supposé que la maigreur est un facteur de risque.2 La prévention de ce risque peut se faire par plusieurs moyens :
– Le report de la castration chez les lapins trop maigres.2
– La fermeture du site chirurgicale en voie scrotale contrairement à ce qui est fait chez le chat.1
– La suture du canal inguinal. 1–3 Sa fermeture dépend beaucoup des habitudes de chaque chirurgien et aucune n’a étude n’a documenté les bénéfices et risques de le fermer ou non. Cependant certains auteurs ne recommandent pas sa fermeture si l’animal est suffisamment gras. 2,3

Description des techniques chirurgicales :
Les techniques de castration sont très empiriques et plusieurs variantes existent. Tout comme chez le chien, la castration peut se faire à testicule couvert ou découvert. Nous proposons ici deux protocoles chirurgicaux utilisés fréquemment. D’autres variantes existent et sont aussi utilisées en pratique courante.

Castration à testicule découvert par abord scrotal :6,8
• Le lapin est placé en décubitus dorsal.
• Les sacs hémiscrotaux sont rasés, désinfectés et isolés par un champ opératoire.
• Le sac hémiscrotal est incisé sur la ligne médiane de la face ventrale.
• Les tissus sous cutanés sont dilacérés jusqu’à visualisation de la vaginale.
• La tunique vaginale est incisée.
• Le testicule est sorti par l’incision.
• Le ligament reliant la queue de l’épididyme au sac hémiscrotal est dilacéré.
• Les vaisseaux sont séparés du canal déférent.
• Deux ligatures sont placées sur les vaisseaux, une sur le canal déférent.
• Les différentes structures sont sectionnées distalement aux ligatures.
• L’hémostase est contrôlée et le moignon est enfoui.
• La tunique vaginale est fermée par un point en croix.
• Le second testicule est retiré par la même incision et selon la même méthode.
• Les plaies sont refermées par un surjet intradermique.

Castration par abord pré-scrotal :6,8
• Le lapin est placé en décubitus dorsal.
• Un carré de peau en avant du scrotum est rasé, désinfecté et isolé par un champ opératoire.
• Une incision de 1,5 à 2 cm est pratiquée au niveau médial et immédiatement crânialement aux sacs scrotaux.
• Les tissus sous cutanés et le fascia inguinal sont dilacérés.
• La vaginale est isolée.
• La vaginale est ouverte et le testicule est repoussé depuis le scrotum vers l’avant
• Le testicule est sorti par l’incision, le sac hémiscrotal est alors éversé.
• Le ligament reliant la queue de l’épididyme au sac hémiscrotal est dilacéré.
• Le sac hémiscrotal est repoussé en position anatomique à l’aide d’un clamp fermé.
• Les vaisseaux sont séparés du canal déférent.
• Deux ligatures sont placées sur les vaisseaux, une sur le canal déférent.
• Les différentes structures sont sectionnées distalement aux ligatures.
• L’hémostase est contrôlée et le moignon est enfoui.
• La vaginale est suturée par un point en croix
• Le second testicule est retiré par la même incision et selon la même méthode.
• L’incision est refermée par un surjet sous-cutané puis par un surjet intradermique.

Exemple de protocole anesthésique et de gestion post-opératoire :
– Prémédication :
– Midazolam 0.2 mg/kg IM
– Morphine 2 mg/kg IM
– Induction isoflurane dans une chambre à induction ou au masque
– Entretien isoflurane 3 % au masque
– Injection fluides SC (Ringer Lacatate) 10 ml/kg pré-op
– Anesthésie locale :
– Lidocaïne 2 mg/kg sur le site incisionnel
– Bupivacaïne 1 mg/kg sur le site incisionnel
– Meloxicam 1 mg/kg SC au réveil
– Hospitalisation 24 h pour suivi de reprise du transit sous :
– Gavage si besoin
– Buprenorphine 0,05 mg/kg IM q8h
– Meloxicam 1 mg/kg q24h

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Plaie post-opératoire de l’abord scrotal (Crédit photo : Alexis Duhamelle)

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Plaie post-opératoire de l’abord pré-scrotal (Crédit photo : Alexis Duhamelle)