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Carcinome épidermoïde buccal félin : le bilan d’extension au quotidien, quelles conséquences pratiques ?

Dr Didier Lanore

Dr Didier Lanore

Introduction :

 

Le carcinome épidermoïde est la première tumeur buccale en fréquence dans l’espèce féline. Sa gestion en pratique quotidienne est souvent difficile en raison de l’évolution importante des lésions au moment de la présentation initiale et du manque d’efficacité des traitements. La survie médiane décrite lors de traitement palliatif est de 44 jours (Hayes, Adams, Scase, & Murphy, 2007). En cas de traitement multimodal (chirurgie +/- radiothérapie +/- chimiothérapie), elle varie de 5.5 à 14 mois selon les études. Un des facteurs pronostiques décrit est la localisation de la tumeur dans la bouche, avec un meilleur pronostic pour les lésions de la joue (cf. photo n°1) ou de l’amygdale (724 jours , contrairement à ce qui est décrit dans l’espèce canine ou les carcinomes amygdaliens sont de très mauvais pronostic) comparativement aux tumeurs situées sur la langue, la mandibule ou le maxillaire. Le bilan d’extension, réalisé avant tout traitement, est théoriquement un facteur majeur de décision.

Texte :

 

L’étude (Soltero-Rivera, Krick, Reiter, Brown, & Lewis, 2014) a évalué chez 49 chats les résultats du bilan d’extension et leurs conséquences pronostiques . Celui-ci comprenait des cytoponctions à l’aiguille fine des nœuds lymphatiques mandibulaires (de manière ipsilatérale ou bilatérale et même sur des ganglions de taille normale) et de radiographies thoraciques. La réalisation d’un scanner ou d’un examen histologique ganglionnaire n’était pas systématique. De même, aucun autre nœud lymphatique cervical n’était évalué. La localisation de la tumeur était répartie pour l’évaluation pronostique dans une des 3 catégories suivantes : mandibule, maxillaire ou langue / pharynx ou frein de la langue / lèvres, joue ou amygdale. Il s’agissait de cas avancés avec un faible pourcentage d’entre eux traités par chirurgie (2% seulement), la majorité ayant fait l’objet d’un traitement médical palliatif.

Le site le plus fréquemment atteint était le maxillaire (38% des cas). 31% des chats présentaient une métastase ganglionnaire confirmée à la cytoponction. Sur les 30 prélèvements bilatéraux exploitables, un cas présentait une métastase ganglionnaire bilatérale, soit 3%. Tous les ganglions métastatiques étaient de taille augmentée. Par contre, seulement 31% des adénomégalies correspondaient à une métastase. Des métastases pulmonaires ont été retrouvées sur les radiographies thoraciques chez 5 chats (soit 10% des cas). Ce pourcentage de cas à bilan d’extension positif est supérieur à celui décrit dans les études antérieures (de 0 à 6.25%).

La survie médiane des chats de l’étude était de 91 jours, assez comparable aux résultats décrits dans les études antérieures concernant des traitements palliatifs. La taille de la tumeur n’est pas pronostique. Aucune relation entre la présence d’une métastase (ganglionnaire ou pulmonaire) avec la localisation de la tumeur, ni avec sa taille n’a pu être mise en évidence. La survie des atteintes pharyngées caudales était plus courte (inférieure à 50 jours) et celle des atteintes maxillaires plus longue. La présence d’une métastase ganglionnaire ou pulmonaire ne semble pas impacter le pronostic (la survie est même plus longue dans le groupe présentant des métastases pulmonaires comparativement à ceux n’en présentant pas !). Ce résultat surprenant peut s’expliquer par l’agressivité locale des carcinomes épidermoïdes buccaux dans l’espèce féline, l’inefficacité relative des traitements locaux et le fort pourcentage de cas non traités chirurgicalement dans cette étude. En aucun cas, pour des cas devant faire l’objet d’un traitement chirurgical ou d’une radiothérapie, les résultats de cette étude ne doivent faire négliger l’importance du bilan d’extension comme étape préalable. Le scanner est alors incontournable dans cette situation (cf. photos n° 2 et 3), en particulier pour évaluer l’ostéolyse sous-jacente très fréquente dans cette pathologie (Martin, Tannehill-Gregg, Wolfe, & Rosol, 2011).

 

A retenir :

 

  • Un cas sur 3 environ présente une métastase ganglionnaire à la cytoponction
  • Un cas sur 10 environ présente des métastases pulmonaires sur les clichés thoraciques
  • La métastase ganglionnaire bilatérale est possible bien que très peu fréquente (3% des cas)
  • La survie est plus longue lors d’atteinte maxillaire et plus courte lors d’atteinte pharyngée caudale
  • Lors de traitement palliatif, la survie ne semble pas influencée par le résultat du bilan d’extension

Articles :

 

Hayes, A.M., Adams, V. J., Scase, T. J., & Murphy, S. (2007). Survival of 54 cats with oral squamous cell carcinoma in United Kingdom general practice. The Journal of Small Animal Practice, 48(7), 394–399.

 Soltero-Rivera, M. M., Krick, E. L., Reiter, A. M., Brown, D. C., & Lewis, J. R. (2014). Prevalence of regional and distant metastasis in cats with advanced oral squamous cell carcinoma: 49 cases (2005-2011). Journal of Feline Medicine and Surgery, 16(2), 164–9.

Martin, C. K., Tannehill-Gregg, S. H., Wolfe, T. D., & Rosol, T. J. (2011). Bone-invasive oral squamous cell carcinoma in cats: pathology and expression of parathyroid hormone-related protein. Veterinary Pathology, 48(1), 302–312.

 

 

Photographies n°1 :

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Carcinome épidermoïde de la joue chez un chat : une localisation de meilleur pronostic selon certaines études.

Crédit : Dr Didier LANORE (Clinique Alliance)

Photographie n°2 :

n2

Le scanner reste un élément primordial du bilan d’extension pour les cas où un traitement à visée curative est envisageable. Noter ici l’importance de la lyse osseuse et l’extension du processus tumoral dans la cavité nasale.

Crédit : Dr Anaïs COMBES (Clinique Alliance)