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Etude préliminaire sur l’intérêt de l’olacitinib (Apoquel®) chez le chat

Dr Laffort - Spécialiste en dermatologie, diplôme d’études spécialisées vétérinaires en dermatologie, CES de dermatologie vétérinaire, diplômée du Collège Européen de Dermatologie Vétérinaire

Dr Laffort – Spécialiste en dermatologie, diplôme d’études spécialisées vétérinaires en dermatologie, CES de dermatologie vétérinaire, diplômée du Collège Européen de Dermatologie Vétérinaire

Référence :

Ortalda C, Noli C, Colombo S, Borio S. Oclacitinib in feline nonflea-,

nonfood-induced hypersensitivity dermatitis: results of a small prospective pilot

study of client-owned cats. Vet Dermatol. 2015 Aug; 26(4):235-e52.

Objectifs :

évaluer l’efficacité, la facilité d’administration et la tolérance de l’oclacitinib pour le traitement des dermatites félines par hypersensibilité non liées à la salive de puce ou à des allergènes alimentaires.

Méthode :

Ont été recrutés pour cette étude des chats de plus de 12 mois pesant plus de 3kg pour lesquels un diagnostic de dermatite féline par hypersensibilité non liée à la salive de puce ou à des allergènes alimentaires a été établi. Ces chats ont reçu de l’oclacitinib, avec ou sans nourriture, à la dose de 0,4 à 0,6 mg/kg deux fois par jour pendant 14 jours puis une fois par jour pendant 14 jours.

Les animaux ont été revus à J28.

Au début et à la fin de l’étude, les lésions ont été quottées à l’aide du score clinique SCORFAD (scoring feline allergic dermatitis) et le prurit évalué à l’aide d’une échelle visuelle  analogique de 10 cm.

Tous les effets secondaires ont été notés.

Les propriétaires ont évalué de leur coté l’efficacité globale, la facilité d’administration et la tolérance sur une échelle de 4 points (de 0 mauvaise  à 3 excellente)

Résultats :

Douze chats ont été inclus dans cette étude.  La dose moyenne d’oclacitinib administrée a été de 0,47mg/kg deux fois par jour pendant les 14 premiers jours puis une fois par jour jusqu’à J28.

Trois chats sur douze n’ont pas terminé l’étude  en raison d’une mauvaise efficacité et leurs scores initiaux ont été reportés inchangés  à la visite à J28.

Les scores cliniques et de prurit de quatre chats sur douze ont été nettement améliorés. Pour l’un des douze chats, seul le score de prurit a été amélioré, un autre n’a vu que son score clinique diminuer. Une stagnation des scores cliniques et de prurit a été observée pour un chat et une détérioration pour 2 chats sur 12.

L’efficacité  globale a été jugée bonne à excellente par les propriétaires dans 4 cas sur 12, la facilité d’administration et la tolérance bonne à excellente dans 10 cas sur 12.

Aucun effet secondaire n’a été rapporté.

Discussion :

L’équivalent félin de la dermatite atopique canine ou humaine est une entité encore mal comprise et mal définie. Les présentations cliniques et les images histologiques associées sont par exemple différentes de ce qui est observé chez l’homme et  le chien.  Chez le chat, les signes cliniques observés sont variables et peu spécifiques : Alopécie auto-induite ; Dermatite miliaire ; Prurit cervico-facial ; Lésions du complexe granulome éosinophilique ; Otites externes cérumineuses. Ce sont bien ces signes qui sont retrouvés dans la description clinique de l’atteinte des chats inclus dans cette étude.

Ces éléments conduisent certains auteurs à ne pas recommander l’utilisation du terme « dermatite atopique féline ». D’autres lui associent une définition beaucoup plus restrictive et la décrivent comme une entité clinique prurigineuse, corticosensible, caractérisée par un érythème facial et podal touchant de jeunes chats. En l’état actuel des connaissances, le terme de dermatite par hypersensibilité non liée aux puces ou à des trophallergènes (en anglais, Non Flea Non Food Induced Hypersensitivity Dermatitis, NFNFIHD) semble le plus descriptif de la maladie féline.

Le diagnostic d’une dermatite « NFNFIHD » repose  sur

–  le recueil de l’anamnèse,

 – un examen clinique attentif permettant en particulier de rechercher les critères de Favrot de diagnostic d’une dermatite allergique féline et

– l’exclusion des autres dermatoses du diagnostic différentiel (en fonction de la présentation clinique : ectoparasitoses, dermatophytose, dermatite par hypersensibilité aux piqûres  de puces, aux piqûres de moustiques, hypersensibilité alimentaire, dermatose psychogénique, pemphigus foliacé, dermatose virale, pyodermite).

Cette démarche a bien été respectée par les auteurs de l’étude. Il est probable que le caractère restrictif des critères d’inclusion ait joué sur le nombre final d’animaux inclus : 12 chats n’est qu’un petit échantillon. De plus le caractère ouvert de l’étude rend ses conclusions moins fiables que celles d’une étude randomisée en aveugle contre placebo. L’analyse en intention de traiter et le report des données pour les 3 chats qui n’ont pas terminé l’étude évitent d’induire des biais supplémentaires. Les auteurs présentent d’ailleurs leur travail comme

une étude pilote qui appelle de nouveaux essais plus larges et rigoureux afin de déterminer dose et fréquence d’administration optimales de l’oclacitinb dans l’espèce féline ainsi que la tolérance à long terme.

L’oclacitinib est en effet une option thérapeutique qui peut sembler séduisante pour gérer prurit et lésions chez des chats atteints de dermatite par hypersensibilité non liée à des puces ou à des trophallergènes et pour lesquels les autres options thérapeutiques (principalement les corticostéroïdes et la ciclosporine) n’ont pas donné de résultats satisfaisants. Cette molécule n’a en effet pas d’AMM dans l’espèce féline et sa prescription est donc sous l’entière responsabilité du vétérinaire.

Elle est enregistrée pour le traitement du prurit allergique et de la dermatite atopique chez le chien. Elle inhibe en effet dans cette espèce les fonctions pruritogènes, proinflammatoires et proallergiques de certaines cytokines, en particulier l’IL31. L’IL31 féline a été clonée et purifiée, elle possède des propriétés analogues à son homologue canin. Par exemple, injectée par voie IV, elle est capable d’induire un prurit que l’oclacitinib administrée par voie orale  réduit significativement.

L’étude d’Ortalda utilise le protocole recommandé par le fabriquant dans l’espèce canine (0,4 à 0,6 mg/kg 2 fois par jour pendant 14 jours puis 1 fois par jour) avec des résultats mitigés puisque seulement 4 chats sur 12 ont vu leurs score lésionnel et score de prurit diminués à cette dose. Il est possible qu’une dose plus élevée soit plus adaptée dans l’espèce féline. Une courte communication lors de congrès mondial de dermatologie à Bordeaux en juin 2016 a présenté les résultats d’une autre étude pilote sur 15 chats centrée sur le traitement par l’oclacitinib de prurit cervicofacial  ne répondant pas aux corticostéroides ou à la ciclosporine. La dose utilisée était de 2,7 mg par chat deux fois par jour, soit 0,5 à 0,8 mg/kg deux fois par jour pendant 14 jours puis une fois par jour pendant 14 jours. Le scorfad était utilisé comme score clinique et une échelle visuelle analogique pour quantifier le prurit. Ces deux scores ont été diminués en cours d’étude chez 10 chats sur 15 (soit dans 66,6%).

Les données actuelles sur l’utilisation de l’oclacitinib dans l’espèce féline sont bien trop préliminaires pour pouvoir recommander son utilisation : dose thérapeutique non déterminée (elle est probablement plus importante que chez le chien), rythme d’administration à définir et manque crucial de données de tolérance au long cours. Elle ne pourrait éventuellement se concevoir que pour des animaux réfractaires aux traitements usuels, en dernier ressort et sous la responsabilité du vétérinaire prescripteur.

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