Bienvenue sur l'espace vétérinaire de la clinique Alliance

Conséquences du décret « antibiotiques critiques » sur l’antibiothérapie des nouveaux animaux de compagnie

Dr Duhammelle

Dr Duhammelle IPSAV (Médecine Zoologique)

Le décret sur les antibiotiques critiques est l’occasion de remettre en question certaines pratiques d’antibiothérapie des nouveaux animaux de compagnie (NAC). En effet, des molécules très utilisées en première intention jusqu’à maintenant, l’enrofloxacine et la marbofloxacine, font partie des quinolones de 3ème génération dont l’usage est dorénavant réservé aux situations où aucun antibiotique alternatif n’est efficace au vu des résultats d’un antibiogramme.  Leur popularité tenait à leur large spectre d’action, leur distribution tissulaire étendue, leur facilité d’administration et leur faible toxicité (notamment chez les rongeurs et lagomorphes)1,2. Cependant les réserves concernant leur choix en 1ère intention sont identiques à celles soulevées en médecine canine.

De plus, les données scientifiques concernant leur efficacité en médecine des NAC restent maigres et peu diffusées. Par-exemple, l’enrofloxacine semble être efficace contre les agents de la pasteurellose du lapin in-vitro3 mais d’une efficacité limitée in-vivo dans des zones telles que les sinus, la trompe naso-auditive et l’oreille moyenne4.

La ceftazidime, cephalosporine de 3ème génération, était utilisée chez les reptiles en particulier car elle pouvait être administrée tous les deux à trois jours. Elle est aujourd’hui classée dans la liste des antibiotiques interdits de prescription5.

Les antibiotiques utilisables :

De nombreux antibiotiques restent utilisables chez les NAC. Chez les rongeurs et lagomorphes, il faut toutefois connaître et éviter les antibiotiques pouvant induire une dysbiose digestive et une entérite.

La clindamycine, la lincomycine, l’ampicilline, l’amoxicilline-acide clavulanique, les céphalosporines, les pénicillines, la streptomycine et l’érythromycine sont déconseillés2,6,7. La pénicilline G peut, par contre, être utilisée de manière sécuritaire par voie parentérale chez le lapin2.

Il reste donc plusieurs antibiotiques pouvant être utilisés de manière sécuritaire chez les rongeurs et lagomorphes. Ceux-ci incluent : les sulfamides triméthoprime, le chloramphénicol, les tétracyclines (sauf chez le hamster), le métronidazole, l’azithromycine et la tiamuline2,6,7. Des rapports de cas anecdotiques de toxicité hépatique du métronidazole chez le chinchilla ont été mentionnés en présentations de congrès et repris dans les livres de référence de médecine des rongeurs8. Cependant, cette toxicité n’a jamais été documentée par une étude contrôlée ou la publication de rapports de cas écrits en littérature revue ou non par les pairs.

Leur spectre d’action :

L’association sulfamides-trimethoprime est souvent utilisée en première intention chez les mammifères, oiseaux et reptiles2. Son spectre est large, très orienté sur les Gram – mais incluant aussi des Gram + tels que la plupart des streptocoques et staphylocoques. Les sulfamides-trimethoprime ont aussi une activité anti-coccidienne. Leur activité contre les anaérobies est limitée. Cette association peut être administrée par voie orale ou parentérale. Sa distribution est large et inclut les méninges. Cependant sa diffusion osseuse est moins bonne que celle de l’enrofloxacine1.

Le chloramphénicol possède un large spectre contre les germes Gram + et -. Il possède aussi une efficacité contre les germes anaérobies et les bactéries intracellulaires telles que les mycoplasmes. Sa diffusion osseuse est moins bonne que celle de l’enrofloxacine1.

Les tétracyclines sont fréquemment utilisées dans le traitement des mycoplasmoses respiratoires1, notamment chez le rat9 et les tortues10. Elles sont aussi indiquées dans le traitement de la chlamydophilose aviaire11.

La pénicilline G parentérale est fréquemment utilisée chez le lapin dans le traitement des infections dentaires12,13.

Le métronidazole possède un spectre orienté contre les anaérobies. Il possède une large distribution incluant les os et les abcès1. Il est fréquemment utilisé dans le traitement des infections dentaires12 et dans le traitements des diarrhées à clostridies chez les lapins et rongeurs2.

L’azithromycine est un macrolide ayant un spectre incluant les bactéries intracellulaires telles que Mycoplasma et Chlamydophila1,5.  Son utilisation est rapportée dans le traitement des infections respiratoires à mycoplasme chez les tortues10 et dans le traitement des infections de la bulle tympanique chez le lapin14 et le chinchilla15.

La tiamuline possède une bonne activité contre beaucoup de coques gram + (incluant la plupart des streptocoques et staphylocoques)1. Elle possède aussi une bonne activité contre les mycoplasmes et les spirochètes1. La tiamuline, bien qu’étant efficace contre les souches d’origine humaine, semble faire face à des résistances intrinsèques chez les souches de Clostridium spiroforme retrouvées chez les lapins16.

Le choix de l’antibiotique :

Chez les autres NAC, comme le furet, les reptiles ou les oiseaux, il n’existe pas de toxicité propre à certaines espèces comme on le retrouve chez les rongeurs et lapins. Le choix de l’antibiotique obéit au même raisonnement qu’en médecine canine. La voie parentérale est souvent préférée chez les reptiles en raison de la pauvre observance du traitement par voie orale5.

Chez tous les NAC, le choix de l’antibiotique devrait se faire suite à la réalisation d’une culture et d’un antibiogramme. La plupart des techniques de prélèvement pour analyse bactériologique couramment utilisées en médecine canine le sont également chez les NAC (écouvillons, ponctions, coprocultures, lavages broncho-alvéolaires, etc…).

L’articulation entre la cascade et le décret sur les antibiotiques critiques pose un problème. En effet, l’enrofloxacine reste le seul antibiotique à disposer d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) « NAC ». Pour certaines espèces, comme les lapins, il existe toutefois  d’autres antibiotiques disposant d’une AMM, bien qu’elles concernent des médicaments conçus pour les lapins d’élevage, parfois inadaptés à la médecine individuelle.

Posologies :

Vous trouverez ci-après des exemples de posologies d’antibiotiques fréquemment utilisés chez les NAC en Franc.

Mammifères8,17 :

 

Agent Furet Lapin Cochon d’Inde / octodon / chinchilla Gerbille / hamster Rat / souris
Amoxicilline / acide clavulanique 12,5-25 mg/kg PO q8-12h Ne pas utiliser Ne pas utiliser Ne pas utiliser 20 mg/kg PO q12h
Azithromycine 5 mg/kg PO q24h 15-30 mg/kg PO q24h 15-30 mg/kg PO q24h 15-30 mg/kg PO q24h 15-30 mg/kg PO q24h
Chloramphénicol palmitate 25-50 mg/kg PO q12h 25-50 mg/kg PO q12h 30-50 mg/kg PO q8-12h 30-50 mg/kg PO q8-12h 30-50 mg/kg PO q8-12h
Clarithromycine 12,5-25 mg/kg PO q12h Ne pas utiliser Ne pas utiliser Ne pas utiliser 5,5 mg/kg PO q12h
Clindamycine 5-10 mg/kg PO q12h Ne pas utiliser Ne pas utiliser Ne pas utiliser 5,5-10 mg/kg PO q12h
Doxycycline 2,5 mg/kg PO q12h 2,5-5 mg/kg PO q12h 2,5-5 mg/kg PO q12h 2,5-10 mg/kg PO q12h
Métronidazole 20 mg/kg PO q12h 20 mg/kg PO q12h 20 mg/kg PO q12h (utiliser avec précaution chez le chinchilla) 20 mg/kg PO q12h 10-40 mg/kg PO q24h
Association pénicilline benzathine/procaïne 40 000-60 000 UI/kg SC/IM q2-7J Ne pas utiliser chez le cochon d’Inde, 22 000 UI/kg SC/IM q24h avec précaution chez le chinchilla 22 000 UI/kg SC/IM q24h 22 000 UI/kg SC/IM q24h
 Pénicilline G procaïne 42 000-84 000 UI/kg SC/IM q8-24h
Tiamuline 2,5 mg/kg PO q24h
Trimethoprime/sulfa 15-30 mg/kg PO, SC q12h 30 mg/kg PO, SC q12h 15-30 mg/kg PO, SC q12h 15-30 mg/kg PO, SC q12h 15-30 mg/kg PO, SC q12h

Oiseaux18 et reptiles10 :

 

Agent Psittacidés Reptiles
Amoxicilline/acide clavulanique 125 mg/kg PO q12h Rarement utilisé
Azithromycine 40-45 mg/kg PO q24h (chlamydophilose, mycobactériose) 10 mg/kg PO q2-7J (mycoplasmose)
Clarithromycine 10-85 mg/kg PO q24h (mycobactériose) 15 mg/kg PO q48-72h (mycoplasmose)
Chloramphénicol palmitate 50-100 mg/kg PO q6-12h 40 mg/kg PO q24h ou 20 mg/kg PO q12h
Clindamycine 25-50 mg/kg PO q8-12h ou 50-150 mg/kg q24h 5 mg/kg PO q12h
Doxycycline 25-50 mg/kg PO q12-24h (utiliser petite dose chez les aras et cacatoès, hépatotoxique chez les loris) (1ère intention pour les mycoplasmoses et chlamydophiloses) 5-10 mg/kg PO q24h (mycoplasmose)
Métronidazole 10-30 mg/kg PO q12h 20 mg/kg PO q24-48h
Triméthoprime/sulfa 20-50 mg/kg PO, IM q12h 20-30 mg/kg PO,IM q24-48h (bien hydrater, éviter en cas d’insuffisance rénale)
  1. Plumb DC. Drug monographs. In: Veterinary Drug Handbook. Wiley-Blackwell. Plumb DC; 2011:1–802.
  2. Oglesbee BB, Jenkins JR. Gastrointestinal Diseases. In: Ferrets, Rabbits and Rodents Clinical Medicine and Surgery. Elsevier Saunders. St-Louis, Missouri: Quesenberry KE, Carpenter JW; 2012:193–204.
  3. Rougier S, Galland D, Boucher S, et al. Epidemiology and susceptibility of pathogenic bacteria responsible for upper respiratory tract infections in pet rabbits. Vet Microbiol 2006;115:192–198.
  4. Mähler M, Stünkel S, Ziegowski C, et al. Inefficacy of enrofloxacin in the elimination of Pasteurella multocida in rabbits. Lab Anim 1995;29:192–199.
  5. Gibbons P. Therapeutics. In: Current Therapy in Reptile Medicine and Surgery. Elsevier Saunders. St-Louis, Missouri: Mader DR, Divers SJ; 2014:57–66.
  6. Quesenberry KE, Donnelly TM, Mans C. Biology, Husbandry, and Clinical Techniques of Guinea Pigs and Chinchillas. In: Ferrets, Rabbits and Rodents Clinical Medicine and Surgery. Elsevier Saunders. St-Louis, Missouri: Quesenberry KE, Carpenter JW; 2012:279–294.
  7. Brown C, Donnelly TM. Disease Problems of Small Rodents. In: Ferrets, Rabbits and Rodents Clinical Medicine and Surgery. Elsevier Saunders. St-Louis, Missouri: Quesenberry KE, Carpenter JW; 2012:279–294.
  8. Morrisey JK, Carpenter JW. Appendix. In: Ferrets, Rabbits and Rodents Clinical Medicine and Surgery. Elsevier Saunders. St-Louis, Missouri: Quesenberry KE, Carpenter JW; 2012:566–575.
  9. Graham JE, Schoeb TR. Mycoplasma pulmonis in Rats. J Exot Pet Med 2011;20:270–276.
  10. Carpenter JW, Klaphake E, Gibbons PM. Reptile Formulary and Laboratory Normals. In: Current Therapy in Reptile Medicine and Surgery. Elsevier Saunders. St-Louis, Missouri: Mader DR, Divers SJ; 2014:382–410.
  11. Smith KA, Campbell CT, Murphy J, et al. Compendium of Measures to Control Chlamydophila psittaci Infection Among Humans (Psittacosis) and Pet Birds (Avian Chlamydiosis), 2010 National Association of State Public Health Veterinarians (NASPHV). J Exot Pet Med 2011;20:32–45.
  12. Taylor WM, Beaufrère H, Mans C, et al. Long-term outcome of treatment of dental abscesses with a wound-packing technique in pet rabbits: 13 cases (1998–2007). J Am Vet Med Assoc 2010;237:1444–1449.
  13. Hess L, Tater K. Dermatologic diseases. In: Ferrets, Rabbits and Rodents Clinical Medicine and Surgery. Elsevier Saunders. St-Louis, Missouri: Quesenberry KE, Carpenter JW; 2012:232–244.
  14. Jenkins JR. Soft Tissue Surgery. In: Ferrets, Rabbits and Rodents Clinical Medicine and Surgery. Elsevier Saunders. St-Louis, Missouri: Quesenberry KE, Carpenter JW; 2012:269–278.
  15. Mans C, Donnelly TM. Disease Problems of Chinchillas. In: Ferrets, Rabbits and Rodents Clinical Medicine and Surgery. Elsevier Saunders. St-Louis, Missouri: Quesenberry KE, Carpenter JW; 2012:311–325.
  16. Agnoletti F, Ferro T, Guolo A, et al. A survey of Clostridium spiroforme antimicrobial susceptibility in rabbit breeding. Vet Microbiol 2009;136:188–191.
  17. Fiorello CV, Divers SJ. Rabbits. In: Exotic Animal Formulary. Elsevier Saunders. St-Louis, Missouri: Carpenter JW; 2013:517–559.
  18. Marx KL. Therapeutic agents. In: Clinical Avian Medicine.Vol 1. Spix Publishing. Palm Beach, Florida: Harrison GJ, Lightfoot TL; 2006:241–332.