Bienvenue sur l'espace vétérinaire de la clinique Alliance

Pyomètre chez la chienne

alliance ...... 022-2

Ancien interne en médecine de l’ENVT, DU des thérapies d’épuration extra-rénales, médecine interne, uro-néphrologie

Référence

Evaluation of kidney injury in dogs with pyometra based on proteinuria, renal histomorphology, and urinary biomarkers. Maddens B, Heiene R, Smets P et coll. J Vet Intern Med 2011;25:1075-1083.

Objectifs

Lors de pyomètre chez la chienne,

  • évaluer la prévalence de la protéinurie,
  • décrire les lésions rénales associées,
  • étudier les modifications de certains biomarqueurs urinaires.

Méthode

Des chiennes présentant un pyomètre sont prospectivement incluses. Dix chiennes saines servent de témoin.

Un bilan biologique incluant le rapport protéines sur créatinine urinaires (RPCU) est effectué chez toutes les chiennes. Lorsque la protéinurie est marquée une biopsie rénale est effectuée durant l’ovariohystérectomie (OVH). Une histologie conventionnelle, une immunofluorescence et une microscopie électronique sont effectuées.

Les biomarqueurs urinaires mesurés sont : albumine, IgG, CRP (C reactive protein), RBP (retinol binding protein), TXB2 (thromboxane B2), NAG (N-acetyl-β-D-glucosaminidase).

Une visite de suivi avec analyse urinaire est proposée.

Résultats

47 chiennes sont incluses, dont 10 subissent une biopsie rénale.

Le RPCU est supérieur à 0.5 dans 47% des cas, supérieur à 1 dans 26% des cas et supérieur à 2 dans 15% des cas. Il baisse significativement après l’OVH mais chez 5/6 chiennes biopsiées avec un RPCU>1, une protéinurie persistante est observée lors de la visite de suivi.

La lésion la plus fréquemment rencontrée est la glomérulosclérose (chez 5/10 chiennes). Quatre chiens montrent une immunoréactivité modérée pour les IgM et le C3. En microscopie électronique, une rétraction des pieds des podocytes et une hypercellularité glomérulaire sont notées.

Tous les biomarqueurs urinaires testés sont augmentés et diminuent après OVH.  La sévérité des lésions histologiques tendent à être corrélées au RPCU et à la valeur des biomarqueurs urinaires.

Discussion

Le pyomètre est une affection couramment rencontrée en pratique quotidienne. Il se définit comme l’accumulation de matériel purulent dans la lumière utérine chez les femelles non stérilisées [9]. La prise en charge classique associant ovariohystérectomie et antibiothérapie est habituellement couronnée de succès. Cependant, dans un certain nombre de cas, des complications notamment rénales peuvent être rencontrées.

 

Les complications rénales sont-elles fréquentes lors de pyomètre ?

Une polyuro-polydypsie (PUPD) est souvent rencontrée. Elle peut s’expliquer par une forme réversible de diabète insipide néphrogénique mais aussi par une insuffisance rénale (IR) intrinsèque [12]. Une baisse de la densité urinaire (du) est donc fréquente : 80% des chiennes avaient une du inférieure à 1.020 à l’admission dans une étude [2].

L’azotémie est régulièrement rencontrée mais sa fréquence varie selon les études. Ici elle est de 13%. Elle peut traduire une IR pré-rénale et/ou intrinsèque. Elle est associée dans 4 cas sur 8 à une baisse de la densité urinaire dans cette étude.

Le débit de filtration glomérulaire (DFG) a été étudié lors de pyomètre [2]. Les chiennes présentant les niveaux urinaires les plus élevés d’enzymes tubulaires avaient aussi les DFG les plus faibles. Cependant les chiennes étaient d’âge et de race différents, n’étaient pas comparées à un groupe témoin et le DFG ne montrait pas de valeur différente lors de la visite de contrôle [2,4,10].

Une protéinurie est fréquemment rencontrée lors de pyomètre [1,2,7]. Dans cette étude, 47% des chiennes ont un RPCU supérieur à 0.5 et 26% supérieur à 1. La protéinurie est un facteur de risque connu de crise urémique et de mortalité chez les chiens insuffisants rénaux chroniques [5]. Elle pourrait être le témoin d’une maladie rénale infraclinique susceptible d’évoluer vers une IR.

Comment ces anomalies évoluent-elles après l’épisode de pyomètre ?

Une étude s’est intéressée au devenir de 41 chiennes plusieurs années après l’épisode de pyomètre [1]. Deux chiennes seulement sont mortes d’IR et quatre ont présenté une PUPD permanente après la chirurgie [1]. Deux autres études ayant suivi des chiennes à pyomètre documentent une normalisation du RPCU et de plusieurs biomarqueurs urinaires plusieurs mois après la chirurgie [2,7]. Les anomalies rénales consécutives au pyomètre paraissent donc le plus souvent transitoires.

Cependant, une protéinurie persistante est identifiée chez la plupart des chiennes ayant développé une IR [1,3]. Il est donc indiqué de suivre les chiennes présentant une protéinurie lors d’un épisode de pyomètre et de monitorer leur fonction rénale, particulièrement si la protéinurie persiste.

Analyse des biopsies rénales

Une glomérulosclérose est  retrouvée chez la plupart des chiennes à protéinurie persistante. Cette lésion ressemble à la sclérose glomérulaire focale et segmentaire rencontrée chez l’humain et qui est réputée se développer de manière spontanée chez la personne âgée [1]. Cette lésion a également été décrite chez le Beagle sain vieillissant [8]. En dehors d’une comparaison avec des chiennes saines du même âge il est difficile de savoir si cette lésion est associée ou pré-existante au pyomètre. De plus, une précédente étude a montré  la présence de glomérulosclérose chez 37% des chiennes à pyomètre et chez 56% des chiennes servant de témoins [1].

Cette lésion est aussi rencontrée lors de glomérulopathie avancée chez le chien. Dans notre étude, aucune évidence de glomérulonéphrite n’a été identifiée par l’immunohistochimie. L’immunoréactivité modérée pour l’IgM et le C3 est rencontrée lors de glomérulosclérose chez le chien et survient à la suite d’un piégeage de ces constituants dans les zones sclérotiques. Une glomérulonéphrite paraît donc improbable, comme rapporté dans d’autres études [1].

Apport des biomarqueurs urinaires

Les biomarqueurs de lésions glomérulaires sont l’albumine, la protéine C-réactive (CRP) et l’immunoglobuline G (IgG). Ce sont des protéines  plasmatiques dont la concentration urinaire augmente lors de lésion glomérulaire [6,11]. L’augmentation de la concentration urinaire de retinol binding protein (RBP) traduit une  dysfonction tubulaire, tandis que la N-acetyl-β-D-glucosaminidase (NAG) est un marqueur lésionnel de l’étage tubulaire [6,11]. Le thromboxane B2 (TXB2) est quant à lui un marqueur de l’hémodynamique intra-rénale [6].

Comme rapporté précédemment, tous ces biomarqueurs montrent une valeur augmentée lors de pyomètre [7]. A l’exception, du TXB2, leur valeur est corrélée à celle du RPCU [7]. Ils ont tendance à retrouver une valeur similaire à celle de chiennes témoins quelques mois plus tard, ce qui suggère que l’atteinte glomérulaire et tubulaire est transitoire lors de pyomètre [2,7]. Contrairement à ce qui a été décrit précédemment, la CRP urinaire a ici une valeur basse dans 40% des cas ce qui pourrait être expliqué par des lésions glomérulaires peu sévères ou une valeur peu altérée de la CRP plasmatique.

Enfin, les chiennes présentant les lésions glomérulaires ou tubulaires les plus marquées tendent à avoir les valeurs les plus élevées de biomarqueurs urinaires et de RPCU. Cependant ces résultats ne sont pas détaillés et le nombre de chiennes étudiées est faible. De plus, dans un cas, un RPCU et des biomarqueurs urinaires élevés étaient associés à des lésions histologiques minimes.

Conclusion

Lors de pyomètre chez la chienne, la présence d’une protéinurie est fréquente. Elle est habituellement transitoire mais si elle persiste, elle pourrait être associée au développement d’une insuffisance rénale. La lésion la plus souvent identifiée chez les chiennes protéinuriques est une glomérulosclérose dont il est difficile de dire si elle est pré-existante ou causée par le pyomètre. L’augmentation des biomarqueurs urinaires tend à refléter la sévérité des lésions rénales.

Références
1-Heiene R, Kristiansen V, Teige J et coll.
Renal histomorphology in dogs with pyometra and control dogs, and long term clinical outcome with respect to signs of kidney disease.
Acta Vet Scand 2007;49:13–22.
2-Heiene R, Moe L, Molmen G.
Calculation of urinary enzyme excretion, with renal structure and function in dogs with pyometra.
Res Vet Sci 2001;70:129–137.
3-Heiene R, van Vonderen IK, Moe L, et coll.
Vasopressin secretion in response to osmotic stimulation and effects of desmopressin on urinary concentrating capacity in dogs with pyometra.
Am J Vet Res 2004;65:404–408.
4-Lefebvre, H.P., Craig, A.J., Braun, J.P..
GFR in the dog: breed effect.
In: Proceedings of the 16th ECVIM-CA Congress, Amsterdam, Netherlands, 2006, p. 261.
5-Jacob F, Polzin DJ, Osborne CA et coll.
Evaluation of the association between initial proteinuria and morbidity rate or death in dogs with naturally occurring chronic renal failure.
J Am Vet Med Assoc 2005;226(3):393-400.
6-Maddens B, Daminet S, Demeyere K, et coll.
Validation of immunoassays for renal biomarkers in canine urine.
Vet Immunol Immunopathol 2010;13:259–264.
7-Maddens B, Daminet S, Smets P etcoll.
Escherichia coli pyometra induces transient glomerular and tubular dysfunction in dogs.
J Vet Intern Med 2010;24:1263–1270.
8- Pomeroy MJ, Robertson JL.
The relationship of age, sex, and glomerular location to the development of spontaneous lesions
in the canine kidney: Analysis of a life-span study.
Toxicol Pathol 2004;32:237–242.
9-Pretzer SD.
Clinical presentation of canine pyometra and mucometra : a review.
Theriogenology 2008;70:359-363.
10-Queau, Y., Biourge, V., Germain, C. et coll.
Effect of aging on plasma exogenous creatinine clearance in dogs.
 Journal of Veterinary Internal Medicine 2007;21:598.
11-Smets P, Meyer E, Maddens B, et coll.
Urinary markers in healthy young and aged dogs and dogs with chronic kidney disease.
J Vet Intern Med 2010;24:65–72.
12-Syme HM. Polyuria and polydipsia. In: Elliott J, Grauer GF. BSAVA Manual of canine and feline nephrology and urology, 2nd ed, Gloucester, BSAVA Ed. 2007:8-25.