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La leucémie lymphoïde chronique du chat

Dr Didier Lanore Exercice exclusif de la cancérologie, ex-chargé de consultation de cancérologie de l’ENVT

Dr Didier Lanore
Exercice exclusif de la cancérologie, ex-chargé de consultation de cancérologie de l’ENVT

Introduction

 

La leucémie lymphoïde chronique du chat est une hémopathie correspondant à la prolifération médullaire puis sanguine de petits lymphocytes bien différenciés (cf. photo n° 1 et 2). Il n’existe pas, à l’heure actuelle de consensus, sur les critères exacts de diagnostic, ni de série importante de cas publiés. Cet article propose une définition de cette entité et décrit 18 cas dans l’espèce féline(Campbell, Hess, & Williams, 2013).

Texte

 

Il s’agit d’une étude multicentrique, rétrospective décrivant la présentation clinique, les anomalies biologiques, le traitement et le pronostic de 18 cas de leucémie lymphoïde chronique chez le chat.

Les critères d’inclusion, correspondant donc  pour les auteurs à la définition d’une leucémie lymphoïde chronique (LLC) chez le chat, étaient les suivants :

  • Présence d’une lymphocytose sanguine (> 9000/mm3) à petits lymphocytes et persistante (sur au moins 2 hémogrammes consécutifs)
  • Confirmation de la clonalité ou du monomorphisme par immunocytochimie, cytométrie en flux ou PARR (PCR)
  • Présence d’au moins un des deux critères d’atteinte médullaire : cytopénie(s) d’au moins une autre lignée sanguine ou pourcentage de lymphocytes médullaires matures > à 15%

Ont été exclus les cas présentant une atteinte sanguine ou médullaire à grands lymphocytes, une adénomégalie marquée, une hépato-splénomégalie ou une autre cause de lymphocytose identifiée (Ehrlichiose par exemple). Par ailleurs, la discrimination entre une LLC et un lymphome de stade 5 reste le problème majeur de ces critères d’inclusion et d’exclusion. Or, dans l’étude, 3 chats ont développé un lymphome lors du suivi. Cinq d’entre eux avaient une splénomégalie lors de l’échographie abdominale et 3 un épaississement de la paroi digestive.

18 chats ont rempli les critères d’inclusion et d’exclusion sur une période de 10 ans, ce qui confirme la rareté de cette affection. L’âge médian était de 12.5 ans mais avec un cas de LLC sur un chat de 5 ans (donc en contradiction avec le critère d’âge supérieur à 10 ans proposé par Weiss en 2004). La maladie était deux fois plus fréquente chez les mâles.

Cliniquement, le signe le plus fréquent était la perte de poids et dans 50% des cas la découverte de la LLC était fortuite. Il s’agit donc bien d’une maladie avec une clinique initiale très discrète.

Photos  n° 1 et 2 : Leucémie lymphoïde chronique chez un chat, aspect du frottis sanguin (x 200 et x500) : lymphocytose morphologiquement monotone composée de petits lymphocytes bien différenciés. (Crédit Dr Delphine RIVIERE, laboratoire C-VET)

Photos n° 1 : Leucémie lymphoïde chronique chez un chat, aspect du frottis sanguin (x 200 et x500) : lymphocytose morphologiquement monotone composée de petits lymphocytes bien différenciés. (Crédit Dr Delphine RIVIERE, laboratoire C-VET)

Photos  n°  2 : Leucémie lymphoïde chronique chez un chat, aspect du frottis sanguin (x 200 et x500) : lymphocytose morphologiquement monotone composée de petits lymphocytes bien différenciés. (Crédit Dr Delphine RIVIERE, laboratoire C-VET)

Photos n° 2 : Leucémie lymphoïde chronique chez un chat, aspect du frottis sanguin (x 200 et x500) : lymphocytose morphologiquement monotone composée de petits lymphocytes bien différenciés. (Crédit Dr Delphine RIVIERE, laboratoire C-VET)

50% des animaux présentaient une anémie (Ht<32.8%) et 11% une thrombopénie (plaquettes <198 000/mm3), les seuils choisis sont discutables et ne correspondent aux valeurs classiquement décrites. La lymphocytose médiane était de 34200 lymphocytes/mm3. Dans 94% des cas, les lymphocytes étaient de type CD3+CD4+, confirmant la LLC du chat comme une prolifération de lymphocytes T Helper (cf. photo n° 3 et 4), à la différence de l’homme où il s’agit d’une immunoprolifération de type B et du chien de type CD3+CD8+ (Lymphocytes T cytotoxiques).

Trois des neuf chats ayant fait l’objet d’un myélogramme présentaient un résultat normal de celui-ci. Pour les auteurs, l’absence d’une lymphocytose médullaire n’est donc pas un critère d’exclusion d’une LLC ! Les explications données à ce phénomène sont d’une part que le myélogramme serait moins sensible que la biopsie ostéo-médullaire et d’autre part que l’infiltration par les lymphocytes tumoraux ne serait pas diffuse et homogène au niveau médullaire. Le résultat du myélogramme dépendrait donc du nombre et des sites de ponction. Le myélogramme nous semble quand même impératif au diagnostic de cette hémopathie et devra être réalisé face à toute suspicion.

Tous les chats de l’étude ont été traités par chimiothérapie, soit par une association de chlorambucil et de prednisolone, soit par un protocole de type L-CHOP. Les doses et rythmes d’administration du chlorambucil n’étaient malheureusement pas détaillés.

La rémission clinique complète (RC) était définie comme un retour à la normale de la numération lymphocytaire, sans cytopénie associée ou en présence d’une lymphocytose médullaire inférieure à 5%. Elle a été obtenue dans 53% des cas (9/17) avec une durée médiane de rémission (DMR) de 14 mois (de 2.4 à 22.8 mois). Une réponse partielle (RP) a été obtenue dans 35% de cas supplémentaires amenant le taux de réponse clinique à 88% et la DMR globale à 6.1 mois en première ligne de traitement. Les résultats obtenus grâce au protocole L-CHOP sont décevants pour les deux cas traités (une RP avec DMR de 0.8 mois et une RC avec DMR de 3.9 mois). Ces résultats sont en faveur d’un traitement en première intention par le chlorambucil, dont l’efficacité est probablement liée à l’évolution indolente de la LLC. Cette molécule a également l’avantage d’être peu onéreuse et toxique en comparaison des protocoles de polychimiothérapie classiques.

De nombreux chats ont fait l’objet d’un traitement de seconde intention avec un taux élevé de nouvelles rémissions permettant une DMT totale (après de traitements de Xième ligne) de 15.7 mois. Il ne faut donc pas abandonner après la première rechute et toujours tenter un traitement de seconde intention pour cette affection. Un cas de réponse en 2nde ligne de traitement a ainsi été décrit avec la lomustine.

Aucun cas de transformation blastique (évolution clinique agressive en lymphoprolifération de haut grade à grands lymphocytes)  n’a été décrit dans cette étude.

Cette étude qui présente un certain nombre d’incohérences et de biais est cependant la première à décrire les résultats thérapeutiques et à permettre au praticien de choisir de manière plus rationnelle le traitement de cette hémopathie.

Photos  n° 3  : Graphes de la cytométrie en flux du même cas montrant la prolifération de lymphocytes T Helper (Crédit Dr Stéphanie LAFARGE, laboratoire VEBIO). Le graphe de gauche montre un marquage CD21 (lymphocytes B) quasi inexistant (1%, cadrant E1) Le graphe de droite indique un marquage de la quasi-totalité de la population lymphocytaire dans le cadrant D2 (92.4%), comme CD5+ (lymphocyte T) et CD4+ (Helper)

Photos n° 3 : Graphes de la cytométrie en flux du même cas montrant la prolifération de lymphocytes T Helper (Crédit Dr Stéphanie LAFARGE, laboratoire VEBIO).
Le graphe de gauche montre un marquage CD21 (lymphocytes B) quasi inexistant (1%, cadrant E1)
Le graphe de droite indique un marquage de la quasi-totalité de la population lymphocytaire dans le cadrant D2 (92.4%), comme CD5+ (lymphocyte T) et CD4+ (Helper)

Photos  n° 4 : Graphes de la cytométrie en flux du même cas montrant la prolifération de lymphocytes T Helper (Crédit Dr Stéphanie LAFARGE, laboratoire VEBIO). Le graphe de gauche montre un marquage CD21 (lymphocytes B) quasi inexistant (1%, cadrant E1) Le graphe de droite indique un marquage de la quasi-totalité de la population lymphocytaire dans le cadrant D2 (92.4%), comme CD5+ (lymphocyte T) et CD4+ (Helper)

Photos n° 4 : Graphes de la cytométrie en flux du même cas montrant la prolifération de lymphocytes T Helper (Crédit Dr Stéphanie LAFARGE, laboratoire VEBIO).
Le graphe de gauche montre un marquage CD21 (lymphocytes B) quasi inexistant (1%, cadrant E1)
Le graphe de droite indique un marquage de la quasi-totalité de la population lymphocytaire dans le cadrant D2 (92.4%), comme CD5+ (lymphocyte T) et CD4+ (Helper)

A retenir

  • Les critères exacts de diagnostic d’une LLC chez le chat restent à définir par d’autres études
  • Les LLC du chat sont essentiellement des proliférations de lymphocytes T Helper (CD4+)
  • Le traitement de choix en première intention est l’association prednisolone et chlorambucil qui donne de meilleurs résultats que le protocole L-CHOP
  • La chimiothérapie permettrait en cas de réponse clinique une durée médiane de rémission longue (jusqu’à 15.7 mois)
  • Il ne faut pas hésiter à tenter des traitements de 2nde ligne en cas de rechute

 

Bibliographie
Campbell, M. W., Hess, P. R., & Williams, L. E. (2013). Chronic lymphocytic leukaemia in the cat: 18 cases (2000-2010). Veterinary and Comparative Oncology, 11(4), 256–64.