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Comment diagnostiquer une ostéochondrose ?

Dr Stéphane Bureau, dip ECVS Spécialiste en Chirurgie

Dr Stéphane Bureau, dip ECVS
Spécialiste en Chirurgie

L’incidence de l’ostéochondrose est de 9% chez les chiens de moins de un an (3). Il s’agit le plus souvent de races grandes à géantes. Les sites d’OCD classiquement rapportés sont (3-4):

  • la tête humérale
  • la partie médiale du condyle huméral
  • le condyle fémoral médial ou latéral
  • le tarse: partie plantaire de la crête trochélaire talienne médiale; partie dorsale de la crête trochléaire latérale
  • l’articulation lombo-sacrée
  • la hanche: tête fémorale

Des lésions d’OCD sont également décrites aux localisations suivantes: bord caudo-médial de la glêne; cavité glénoïde: processus anconé; processus coronoïde; radius distal; os radial du carpe; bord dorsal acétabulaire; épiphyse fémorale proximale; tubérosité tibiale; patelle; malléole tibiale médiale; vertèbres cervicales

I- PHYSIOPATHOGENIE: QUELQUES RAPPELS

L’ostéochondrose est une anomalie du processus normal d’ossification endochondrale qui se produit au niveau des épiphyses (minéralisation de la matrice, mort des chondrocytes, vascularisation, ossification) (3). L’ostéochondrose est décrit comme une affection focale ou multifocale avec une atteinte bilatérale fréquente.

La plaque de croissance localisée dans la couche profonde du cartilage forme l’os spongieux de l’épiphyse par ossification endochondrale (similaire à ce qui se produit au niveau de la métaphyse avec formation de la diaphyse). La couche superficielle de l’épiphyse est la zone tangentielle qui représente la surface articulaire sensu stricto mais ne contribue pas à la formation osseuse. Les couches successives (transitionnelle, radiaire et calcifiée) sont similaires aux couches métaphysaires: repos, proliférative, hypertrophique, calcifiées. Au moment de la maturité, l’ensemble des couches de l’épiphyse deviennent la surface articulaire.

Le but de l’ossification endochondrale est de produire une croissance du cartilage qui subit ensuite calcification, invasion vasculaire et remplacement du cartilage par du tissu osseux au niveau épiphysaire. La production de cartilage est calée sur le remplacement osseux. Lors d’ostéochondrose, la calcification physiologique et le remplacement par du tissu osseux ne se fait plus aboutissant à une augmentation de l’épaisseur de la couche cartilagineuse, vulnérable aux traumatismes (5). La lésion initiale est microscopique, située à la jonction ostéochondrale, sous la forme d’une fissure. La reprise du processus d’ossification peut conduite à la guérison de cette lésion. Dans le cas contraire, la fissure s’aggrave et aboutit à la création d’un volet cartilagineux désigné sous le terme d’OCD: ostéochondrite disséquante. La présence de ce volet traduit donc une manifestation chronique d’un processus pathologique.

Initialement le lambeau reste adhérent puis sous l’effet des mouvements, il se libère et forme une sourie articulaire qui peut parfois disparaitre mais le plus souvent grossit et entretient une synovite chronique.

La plupart des formes d’ostéochondrose sont héréditaires. Sont également suspectées la morphologie articulaire, une croissance rapide, une alimentation excessive (excès de T3, T4, insuline et GH qui induisent une prolifération et une différentiation des chondrocytes), un excès de poids (surcharge mécanique des articulations), un excès de calcium. La contribution de l’alimentation dans la pathogénie reste discutée (1-3). Un traumatisme peut provoquer la lésion d’OCD mais ne joue pas de rôle dans la pathogénie de l’ostéochondrose (3).

II- DIAGNOSTIC: SIGNES LOCOMOTEURS

Le premier symptôme est une boiterie chez un chiot de grande race, vers 4 à 9 mois (1-2–6). Elle apparait de manière insidieuse, intermittente, plutôt à froid ou après un exercice, puis tend à devenir chronique. Néanmoins, la survenue brutale d’une boiterie post-traumatique n’exclut pas l’hypothèse d’une OCD: le traumatisme peut décoller le fragment de cartilage en cours de libération. Les troubles locomoteurs peuvent également se manifester sous la forme d’une anomalie de posture: le chien recherche une position antalgique: rotation externe du membre et légère abduction lors d’OCD du coude; port des tarses en hyperextension lors d’OCD du talus. Les mâles sont plus fréquemment atteints (2).

La douleur est suspectée provenir d’un largage de médiateurs inflammatoires depuis l’os sous chondral induisant une synovite, d’une stimulation des nocicepteurs de l’os sous chondral, du mouvement du lambeau cartilagineux, d’une altération des charges mécaniques.

Cliniquement, une distention de l’articulation est observée secondaire à la synovite (coude, grasset, tarse), une douleur lors de la mobilisation (extension de l’épaule, pronation supination du coude). Une amyotrophie peut se développer avec le temps (amyotrophie du supra-épineux, infra-épineux et deltoïde lors d’OCD de l’épaule). Une ankylose se met en place avec l’arthrose (coude, tarse), ainsi que des crépitations.

            1- Epaule

Elle représente 74% des cas d’OCD (9). 17% des chiens ont plus de un an au moment du diagnostic. Elle est bilatérale dans 27 à 68% des cas (1). Son incidence est de 0,22% chez le mâle et de 0,09% chez la femelle (8). Seulement 21% des chiens avec une atteinte bilatérale présentent des signes bilatéraux (8). La recommandation habituelle est de radiographier les deux cotés car la lésion est présente dans 50% des cas. Néanmoins, en l’absence de boiterie, il n’y a pas d’indication chirurgicale. Une lésion d’ostéochondrose n’aboutit pas systématiquement à une OCD. Une intervention ne sera nécessaire que dans 50% des cas (8). La présence controlatérale d’une sourie dans le cul de sac articulaire caudal sans boiterie au moment du diagnostic est rarement source de boiterie ultérieure.

           2- Coude

L’OCD est une des entités incluent sous la dénomination de dysplasie. Cette localisation représente 11% des cas d’OCD. Il existe une prédisposition raciale chez le Labrador, le Berger Allemand, le Rottweiler, le Bouvier Bernois, le Golden retriever (3-4). Elle est bilatérale dans 20 à 50% des cas (4).

            3- Grasset

Elle représente 4 à 8% des cas d’OCD (7-9). Elle est rapportée notamment chez le Dogue Allemand, Berger Allemand, Labrador, Golden Retriever (4). Elle est bilatérale dans 72% des cas. Lors de l’examen, il est parfois possible d’entendre un clic lors de la flexion extension.

            4- Tarse

L’OCD du tarse représente 9% des cas. Près de 70% des cas sont rapportés chez les Rottweiler et Labrador (9). Les autres races fréquemment citées sont le bull terrier et le bull mastiff. La boiterie apparaît classiquement entre 5 et 7 mois; 36% des chiens sont présentés plus tardivement, 18% ont plus de 2 ans (4-9). Elle se traduit par une boiterie liée à l’exercice, un œdème. Le tarse est sensible, craque lors de la manipulation. Les femelles représentent 53% des cas (9). Dans 79% des cas, la lésion intéresse la crête trochléaire médiale du talus et elle est plantaire dans 80% des cas. Dans 21% des cas, elle est latérale et dans ce cas, dorsale dans 70% des cas (4). Chez le Rottweiler néanmoins, la lésion est plus souvent latérale (10). Les lésions de la crête latérale sont généralement plus importantes que celles de la crête médiale (11). Les chiens sont souvent présentés plus jeunes.

           5- Lombo-sacrée

L’OCD est décrite surtout chez le Berger Allemand, le boxer et le rottweiler (6), mais également des races lourdes comme le Bull Mastiff. Les mâles sont 4-5 fois plus touchés que les femelles. L’OCD touche le sacrum dans 90% des cas et L7 dans 10%. Elle se traduit par un syndrome queue de cheval non spécifique. Le diagnostic est souvent plus tardif que pour les autres formes.

III- IMAGERIE

La radiographie sans préparation est une méthode fiable de diagnostic. Elle nécessite néanmoins un positionnement précis (donc sédation ou anesthésie le plus souvent). Les lésions d’OCD sont communes à tous les sites (6):

  • stade I: concavité radiotransparente, aplatissement du pourtour articulaire. Elle traduit le défaut de production de l’os sous chondral
  • stade II: le volet de cartilage peut se minéraliser et devenir visible. Il existe une condensation de l’os sous chondral
  • stade III: présence d’une sourie articulaire

Le scanner peut être utile pour identifier plus précisément certaines lésions ou des lésions plus précoces (3).

            1-Epaule

Photo 1

La partie caudo-centrale ou caudo-médiale de la tête humérale, généralement en regard de la crête caudo-ventrale de la glêne, est le site habituel de la lésion (cf. photo 1). La cause de cette localisation n’est pas déterminée: organisation de l’os trabéculaire, augmentation locale de la flexibilité et de la résistance, zone de transfert de charge… L’incidence radiographique est médiolatérale, rayon centré sur la tête humérale. Le chien est en décubitus latéral, le membre concerné tracté vers l’avant, le cou étendu, le membre controlatéral tracté vers l’arrière. La lésion se traduit par une irrégularité de la surface articulaire caudale de la tête humérale. Les erreurs techniques qui gênent ce diagnostic sont une mauvaise qualité de la radio, une position oblique de l’épaule, une extension insuffisante avec superposition du sternum. Une légère rotation interne ou externe peut aider à localiser la lésion lorsqu’elle est caudomédiale ou caudolatérale. Dans certains cas sont observés des souries articulaires dans le cul de sac articulaire caudal, dans la coulisse bicipitale.

  2- Coude

Photo 2

La radiographie est une vue de face avec une rotation axiale interne de 15-25° (6). La lésion intéresse la trochlée humérale sous la forme d’une irrégularité de la surface articulaire (cf. photo 2). Il existe fréquemment des lésions similaires à cet endroit qui sont des lésions de frottement secondaires à une incongruence avec atteinte de la partie médiale du processus coronoïde (2). Le diagnostic différentiel est très difficile (4).

3- Grasset

Photo 3

Il est examiné de profil et de face. L’incidence caudocraniale est préférable à la craniocaudale (6). La lésion intéresse la face médiale du condyle latéral dans 96% des cas (cf. photo 3), le condyle médial dans 4% (4). La fosse d’insertion du tendon extenseur commun des doigts et l’attache du LCA peuvent être confondues avec des lésions d’OCD.

L’OCD est également rapportée au niveau de la trochlée fémorale (7)

     4- Tarse

Photo 4

Le diagnostic radiographique n’est pas aisé en raison de la superposition des structures osseuses. Il est de plus crucial de savoir où se trouve la lésion car cela influence l’abord chirurgical. L’examen radiologique doit comporter plusieurs vues: latérale en extension, latérale en flexion, oblique (dorsolatérale-plantaromédiale à 45° pour la crête médiale; dorsomédiale-plantarolatérale 45° pour la crête latérale), face plantaro-dorsale, face en flexion dorsoplantaire. La lésion se traduit par une irrégularité sous chondrale, un élargissement de l’espace articulaire, une lésion en coup d’ongle à la surface articulaire (cf. photo 4). Les modifications arthrosiques secondaires sont précoces et fréquentes. En utilisant ces 6 vues, le diagnostic est posé dans 73% des cas (10). Les vues les plus utiles sont la vue dorsoplantaire en flexion et l’oblique plantaro-latérale dorsomédiale. En utilisant que 2 vues, le diagnostic n’est posé que dans 27% des cas.

Les lésions médiales sont globalement plus faciles à mettre en évidence. Le scanner est une aide intéressante pour le tarse permettant le diagnostic dans 100% des cas (10).

            5- Lombo-sacrée

La radiographie montre un défaut de substance osseuse, la présence d’une sourie articulaire dans l’espace LS. Le diagnostic est confirmé par scanner (6).

Références
1- Rochat MC. The shoulder. In Veterinary Surgery Small Animal, vol 1, KM Tobias and SA Johnston Edrs, Elsevier Saunders 2012, chap 51, PP 692-708
2- Griffon DJ. Surgical diseases of the elbow. In Veterinary Surgery Small Animal, vol 1, KM Tobias and SA Johnston Edrs, Elsevier Saunders 2012, chap 53, PP 724-759
3- Breur GJ, Lambrechts NE. Osteochondrosis. In Veterinary Surgery Small Animal, vol 1, KM Tobias and SA Johnston Edrs, Elsevier Saunders 2012, chap 73, PP 1178-1189
4- Trostel CT et coll. Canine lameness caused by developmental orthopedic diseases: osteochondrosis. Comp Cont Educ 2002,24;11:836-850
5- Fayolle P. Physiopathogénie des ostéochondroses et ostéochondrites. In Affections ostéo-articulaires du chien et du chat en croissance, Point Vet 2003, pp 42-46
6- Fayolle P. Traitement des ostéochondroses et ostéochondrites. In Affections ostéo-articulaires du chien et du chat en croissance, Point Vet 2003, pp 48-52
7- Chica A, Marti J. Osteochondritis dissecans of the medial femoral trochlear ridge in two bulldogs siblings. Vet Comp Orthop Traumatol 2003;16:200-3
8- Johnston SA. Osteochondritis dissecans of the humeral head. Vet Clin North Am 1998,28;1:33-46
9- Tomlinson JL. Ostéochondrite disséquante du jarret chez le chien. Waltham focus 2001,11;1:24-31
10- Gielen I et coll. Computerized tomography compared with radiography in the diagnosis of lateral trochlear ridge talar osteochondritis dissecans in dogs. Vet Comp Orthop Traumatol 2005;18:77-81
11- Dingemanse WB et coll. Comparison of clinica and CT features between medial and lateral trochlear ridge talar osteochondrosis in dogs. Vet Surgery 2013;42:340-345