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Pronostic des lymphomes digestifs canins

Dr Didier Lanore Exercice exclusif de la cancérologie, ex-chargé de consultation de cancérologie de l’ENVT

Dr Didier Lanore
Exercice exclusif de la cancérologie, ex-chargé de consultation de cancérologie de l’ENVT

Introduction

Les lymphomes digestifs sont peu fréquents dans l’espèce canine et représentent 5 à 7% des lymphomes canins. Il s’agit le plus souvent d’une forme extra-nodale primitive au tube digestif plutôt que d’une atteinte digestive secondaire lors de forme ganglionnaire multicentrique. La forme lymphocytique, équivalent du lymphome félin de bas grade, est très rare chez le chien, les formes lymphoblastiques sont en effet beaucoup plus fréquentes. Les localisations les plus décrites sont par ordre décroissant l’intestin grêle (IG), l’estomac et le colon. Des atteintes conjointes IG et estomac ou IG et colon ont été observées. Dans sa localisation à l’IG, le lymphome est le plus souvent d’immunophénotype T  (de 63 à 100% des cas selon les études). Les signes cliniques sont très peu spécifiques : fatigue, amaigrissement, modification de l’appétit, vomissement et diarrhée. La palpation abdominale peut révéler soit la présence d’une masse abdominale (tumeur focale ou adénomégalie) soit un épaississement des intestins. La présence d’une ascite est également décrite. Enfin, des saignements digestifs sont aussi possibles. La modification biologique la plus fréquente est l’hypoalbuminémie. Le pronostic des lymphomes digestifs est le plus souvent très péjoratif.  Cependant une étude a décrit l’excellent  pronostic des lymphomes rectaux d’immunophénotype B (Van den Steen 2012). Nous décrivons ici les différents facteurs pronostiques connus dans la littérature et les résultats attendus de la chimiothérapie lors de lymphomes canins digestifs (Frank 2007, Rassnick 2009).

Une survie courte

Dans la première série décrite (Couto 1989), tous les chiens présentant un lymphome digestif étaient morts ou euthanasiés dans un délai de 3 à 14 semaines (98 jours) après le diagnostic initial. Une étude plus récente (Frank 2007) a confirmé ce pronostic péjoratif, même sous polychimiothérapie, avec une survie médiane pour les 30 cas décrits de 13 jours ! Dans ce même article, la survie la plus longue observée pour les localisations autres que le gros intestin était de 81 jours. Par contre les tumeurs colorectales étaient associées à une survie plus longue. Un protocole de polychimiothérapie plus intense, comprenant 7 molécules de chimiothérapie (Rassnick 2009) a permis d’obtenir les résultats suivants : un taux de réponse clinique de 56% (50% de rémission complète et 6% de rémission partielle) avec une durée médiane de rémission de 86 jours pour les réponses complètes et une survie médiane de 77 jours pour la population totale.

Des facteurs pronostiques

Les facteurs suivants ont été décrits comme pronostiques lors de lymphomes de l’IG (Frank 2007, Rassnick 2009), avec parfois des variations très importantes de la survie observée :

  • L’immunophénotype : survie médiane (SM) de 3 semaines lors d’immunophénotype T contre 3 mois lors d’immunophénotype B (autres que les atteintes rectales).
  • La présence ou non d’une diarrhée au moment du diagnostic initial : SM de 70 jours versus 700 jours.
  • Présence d’une réponse à la chimiothérapie : SM de 117 jours pour les répondeurs contre 10 jours pour les non-répondeurs.
  • La localisation du lymphome : SM de 13 et 77 jours lors d’atteinte de l’IG versus plus de 4.5 ans pour les lymphomes rectaux. La survie des formes coliques est également meilleure dans les différentes études.

Une entité à part : le lymphome B rectal

Le pronostic du lymphome canin dépend de nombreux facteurs dont le sous-type morphologique, le grade, l’immunophénotype, le stade et la localisation. Certaines entités sont ainsi bien définies, comme en cancérologie humaine, par ces critères et associées à un pronostic spécifique. Un exemple d’entité à très bon pronostic est ainsi le lymphome B, de bas grade, splénique dit de la zone marginale. Son bilan d’extension est dans la grande majorité des cas négatif au moment du diagnostic et la survie après splénectomie seule, sans chimiothérapie adjuvante, est excellente (40 mois). Un autre exemple est celui du lymphome rectal d’immunophénotype B. Ce lymphome est également associé à un meilleur pronostic (Van Den Steen 2012) sous chimiothérapie avec une survie moyenne décrite, supérieure à 4.5 ans. Tous les cas de cette étude étaient d’immunophénotype B (à la différence de ce qui peut être observé lors d’atteinte de l’IG) et à bilan d’extension négatif. La mise en place d’une chimiothérapie était un facteur pronostique majeur pour cette population avec une survie médiane pour les chiens ne faisant pas l’objet d’une chimiothérapie de seulement 28 jours contre plus de 2352 jours pour ceux la recevant. Selon cette étude, l’exérèse de la lésion tumorale ne semble pas nécessaire. La chimiothérapie peut également ne pas être trop intense pour cette entité puisque 100% des chiens ont connu une réponse complète après une seule injection de chimiothérapie et ont reçu soit un protocole à faibles doses soit un protocole court (type CHOP avec une maintenance de seulement 6 semaines).

A retenir

  • Les lymphomes d’immunophénotype T de l’IG sont de très mauvais pronostic avec des survies médianes variant de 1 à 3 mois même sous polychimiothérapie.
  • Les facteurs associés à un meilleur pronostic sont l’immunophénotype B, l’absence de diarrhée au moment du diagnostic et la réponse à la chimiothérapie.
  • Les lymphomes B rectaux sont d’excellent pronostic sous chimiothérapie (plus de 4.5 ans de survie) ; la chirurgie n’est pas nécessaire à leur gestion et la chimiothérapie mise en place peut être peu intense.

Cas illustré :  Chien American Staffordshire, mâle, âgé de 11 ans, présentant un lymphome colique se manifestant cliniquement par une hématochézie, avec une extension secondaire aux nœuds lymphatiques coliques et à la rate (stade 4).

Photo n° 1 : Aspect échographique du colon descendant : sa paroi est très épaissie (9,8mm) et perd sa structure en couches. (Crédit : Dr Anaïs COMBES, Clinique Alliance)

Photo n° 1 : Aspect échographique du colon descendant : sa paroi est très épaissie (9,8mm) et perd sa structure en couches. (Crédit : Dr Anaïs COMBES, Clinique Alliance)

Photos  n° 2 et 3 : Aspects échographique (parenchyme splénique discrètement hétérogène) et cytologique (présence d’une population atypique de grandes cellules rondes, avec un index mitotique élevé) de la rate. (Crédit : Dr Anaïs COMBES, Clinique Alliance et Dr Delphine RIVIERE, Laboratoire C-Vet)

Photos n° 2 et 3 : Aspects échographique (parenchyme splénique discrètement hétérogène) et cytologique (présence d’une population atypique de grandes cellules rondes, avec un index mitotique élevé) de la rate. (Crédit : Dr Anaïs COMBES, Clinique Alliance et Dr Delphine RIVIERE, Laboratoire C-Vet)

Photos  n° 2 et 3 : Aspects échographique (parenchyme splénique discrètement hétérogène) et cytologique (présence d’une population atypique de grandes cellules rondes, avec un index mitotique élevé) de la rate. (Crédit : Dr Anaïs COMBES, Clinique Alliance et Dr Delphine RIVIERE, Laboratoire C-Vet)

Photos n° 2 et 3 : Aspects échographique (parenchyme splénique discrètement hétérogène) et cytologique (présence d’une population atypique de grandes cellules rondes, avec un index mitotique élevé) de la rate. (Crédit : Dr Anaïs COMBES, Clinique Alliance et Dr Delphine RIVIERE, Laboratoire C-Vet)

photo4

Photos n° 4 : Aspects échographique (ganglions très hypertrophiés (15.6 mm), arrondis, hypoéchogènes et entourés d’une graisse hyperéchogène) et cytologique (population de cellules rondes très atypiques, de très grande taille, avec un RNP élevé, des noyaux très irréguliers, des cytoplasmes hyperbasophiles et microvacuolés pour la plupart, une chromatine très irrégulière et des nucléoles volumineux) des nœuds lymphatiques coliques gauches. (Crédit : Dr Anaïs COMBES, Clinique Alliance et Dr Delphine RIVIERE, Laboratoire C-Vet)

Photos  n° 4 et 5 : Aspects échographique (ganglions très hypertrophiés (15.6 mm), arrondis, hypoéchogènes et entourés d’une graisse hyperéchogène) et cytologique (population de cellules rondes très atypiques, de très grande taille, avec un RNP élevé, des noyaux très irréguliers, des cytoplasmes hyperbasophiles et microvacuolés pour la plupart, une chromatine très irrégulière et des nucléoles volumineux) des nœuds lymphatiques coliques gauches. (Crédit : Dr Anaïs COMBES, Clinique Alliance et Dr Delphine RIVIERE, Laboratoire C-Vet)

Photos n° 5 : Aspects échographique (ganglions très hypertrophiés (15.6 mm), arrondis, hypoéchogènes et entourés d’une graisse hyperéchogène) et cytologique (population de cellules rondes très atypiques, de très grande taille, avec un RNP élevé, des noyaux très irréguliers, des cytoplasmes hyperbasophiles et microvacuolés pour la plupart, une chromatine très irrégulière et des nucléoles volumineux) des nœuds lymphatiques coliques gauches. (Crédit : Dr Anaïs COMBES, Clinique Alliance et Dr Delphine RIVIERE, Laboratoire C-Vet)

Bibliographie
Van den Steen, N., Berlato, D., Polton, G., Dobson, J., Stewart, J., Maglennon, G., … Murphy, S. (2012). Rectal lymphoma in 11 dogs – a retrospective study. Journal of Small Animal Practice, 53, 586–591.
Rassnick, K. M., Moore, A. S., Collister, K. E., Northrup, N. C., Kristal, O., Chretin, J. D., & Bailey, D. B. (2009). Efficacy of combination chemotherapy for treatment of gastrointestinal lymphoma in dogs. Journal of Veterinary Internal Medicine, 23, 317–322.
Frank, J. D., Reimer, S. B., Kass, P. H., & Kiupel, M. (2007). Clinical outcomes of 30 cases (1997-2004) of canine gastrointestinal lymphoma. Journal of the American Animal Hospital Association, 43, 313–321.